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17 mai 2012 4 17 /05 /mai /2012 06:49

Le choix de Jean-Marc Ayrault par François Hollande pour assurer la fonction de premier ministre était en cohérence avec les options idéologiques de longue date du nouveau président: un centre-gauche libéral hérité de la deuxième gauche, ennemi de la conflictualité entre les classes et vis à vis du monde capitaliste et financier, partisan de l'orthodoxie budgétaire et d'un "réalisme économique" qu'on invoque pour justifier le peu d'empressement à répondre aux attentes et aux revendications des salariés, des précaires, de tous ceux qui, dans ce pays, souffrent et aspirent à une juste rémunération de leur travail ou à une juste reconnaissance de leur qualité de citoyens.

Jean-Marc Ayrault a nommé un gouvernement qui, tout en préservant a minima  les équilibres politiques politiciens internes au PS (avec Montebourg, Fabius, les aubryistes) et avec les partis satellites (radicaux, EELV), est plutôt très marqué à droite, et fort peu annonciateur d'une volonté résolue de réorientation de l'Europe, de rupture avec la réforme néo-libérale de l'Etat et des services publics (éducation, collectivités territoriales...), ou de refus de l'austérité. Cette politique probable de rigueur et de compromission avec les exigences de la finance dont la composition du gouvernement est annonciatrice est incapable de nous sortir de la crise économique, sociale, écologique et démocratique que vit notre pays comme tant d'autres en Europe, soumis au joug du libéralisme autoritaire.  

Jugez plutôt.

 Côté gestion économique de la France, qui avons-nous? Pierre Moscovici, ministre de l'économie, un technocrate social-libéral arrogant proche de Dominique Strauss-Kahn dont on se demande quand on l'écoute attentivement, surtout quand il a le temps de s'exprimer sur une radio pour gens bien nés telle que France Culture, comment des gens qui ont des intérêts et des valeurs de gauche pourraient lui faire confiance.

A côté de lui, ministre délégué au budget, Jerôme Cahuzac, qui jugeait presque fantaisiste à la taxation à 75% des revenus de plus de 1 millions d'euros par an que Hollande avait annoncé par surprise pour servir de contre-feu à l'ascension du Front de Gauche et de Jean-Luc Mélenchon, ce même Jerôme Cahuzac qui dans un rapport sur la protection sociale et la compétitivité co-redigé avec le parlementaire de droite Pierre Méheigneurie, préconisait de réduire de 1 an le bénéfice possible de l'indemnisation chômage pour "fluidifier" le marché du travail et restaurer l'équilibre des caisses.

Caution de gauche du gouvernement avec Montebourg, Benoît Hamon hérite d'un ministère passionnant mais sans véritable levier de pouvoir sur la politique économique, celui de l'économie sociale et solidaire.

Au ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social (une formulation très chrétienne-démocrate ou CFDT d'Edmond Maire de Nicole Nota, ou de Chérèque...), on trouve Michel Sapin, un partisan de l'austérité, l'homme du "donner du sens à la rigueur" de la première partie de campagne présidentielle de François Hollande.

Vincent Peillon, l'homme qui ferait passer Jaurès pour un humaniste mystique partisan d'une République apaisée de petits propriétaires plutôt que pour un leader socialiste marxiste et partisan de la propriété publique des moyens de production et d'échanges, cet opportuniste qui a choisi pour occuper un créneau au sein du PS le Non au référendum sur le TCE de 2005, puis le soutien à Royal, l'abstention sur le Traité de Lisbonne, avant de se faire le partisan de la stratégie d'union avec le centre, hérite du ministère de l'éducation nationale. Je n'attends pas grand chose pour ma part en tant que praticien de l'enseignement de cet homme que je sens fondamentalement en accord avec l'agenda de la réforme néo-libérale de l'école et des Universités. A ses côtés, Geneviève Fioraso, nommée à l'enseignement supérieur, a travaillé pendant plusieurs années dans des entreprises spécialisées dans les hautes technologies et on la dit particulièrement à l'écoute des attentes du monde de l'entreprise.

A l'Intérieur, dans la peau du super-flic sans excès de sentimentalisme, Manuel Valls, le partisan de la TVA sociale qui se situait plus à droite que Strauss-Kahn encore: c'est l'idiot utile du sarkozysme qu'on récompense pour les satisfecits répétés qu'il a su donner aux politiques sécuritaires, liberticides, stigmatisantes, anti-immigration, du gouvernement Fillon. Le changement, c'est maintenant... Pitié, on aurait tant voulu y croire...

Jean-Yves Le Drian à la défense: les intérêts du budget de la Défense, du nucléaire militaire, des avionneurs, seront bien gardés. Dans le genre conservateur des équilibres anciens et pragmatique opportuniste, on ne fait guère mieux que ce proche de Hollande depuis la période des "trans-courants" inspirés par le centrisme de Delors.  

Stephane Le Foll, ministre de l'agriculture et de l'agroalimentaire: les intérêts de l'agriculture productiviste et de l'agro-business, là encore, seront sans doute jalousement préservés par cet interlocuteur qui a toute l'estime de la FNSEA, et l'emploi agricole pourrait continuer à chuter tandis que la transition écologique de l'agriculture se fera attendre.

Marisol Touraine à la santé. De cette strauss-kahnienne, on aimerait pouvoir attendre autre chose qu'un approfondissement de la réforme néo-libérale de l'hôpital et de la protection sociale ou qu'un statut quo par rapport au travail de démantèlement déjà accompli par la droite? D'ailleurs, dans le programme de François Hollande, il n'est pas question de recrutement de nouveaux fonctionnaires dans la santé, ni de la suppression du forfait hospitalier, des déremboursements de médicaments et franchises médicales. Sa ministre déléguée, Michèle Delaunay, est une "ministre chargée des personnes âgées et de la dépendance" et non de la perte d'autonomie: n'est-ce pas révélateur d'une certaine appréhension du problème?

Arnaud Montebourg,récompensé pour l'opportunisme de son ralliement en rase campagne au chantre de la rigueur Hollande, hérite d'un ministère du redressement productif, drôle d'expression technocratique qui met l'accent sur la productivité plutôt que sur la relocalisation ou le maintien du travail industriel alors que que les salariés français sont déjà parmi les plus productifs au monde, et que cette productivité, liée aussi à la non compensation des gains de productivité liés au progrès technique sous la forme d'un partage du temps de travail, à un prix énorme sur leur santé et leur bien-être au travail. Enfin, on a évité le ministère de la "compétitivité des entreprises"...

A la brillante et opportuniste Cécile Duflot, qui aura bien de la peine à repeindre en vert la façade du gouvernement, bien récompensée pour ses cirages de pompe de dernière minute à l'endroit de Hollande et les boulets rouges qu'elle a destinés pendant la campagne présidentielle au Front de Gauche et à Jean-Luc Mélenchon, échoie le ministère de l'égalité des territoires et du logement. L'intitulé du ministère est très intéressant, rompant avec une "politique de la ville" stigmatisante pour les quartiers populaires et posant la question centrale de l'égalité des droits. C'est un chantier énorme qui attend le gouvernement en matière de déghettoïsation de certaines cités et de politique du logement: réussir exige de rompre avec l'austérité et de remettre en cause la libre fixation des prix de l'immobilier, encourageant toutes les spéculations.  

Laurent Fabius aux Affaires Etrangères, n°2 du gouvernement. Ce n'est pas une surprise. Candidat peu convaincant, homme politique caméléon, tantôt thuriféraire de la société de marché et du libéralisme, tantôt partisan d'une réorientation de l'Europe, c'est tout de même un des hommes politiques les plus brillants du PS ayant une stature d'homme d'Etat.  

Christiane Taubira à la justice. Plutôt une bonne surprise. Cette femme politique est plutôt talentueuse et attachante et elle pourra difficilement faire plus mal en termes de stigmatisation des juges, de négation de l'indépendance de la justice et d'organisation de son inefficacité que ses prédecesseurs. En revanche, il n'est nullement prévu dans le programme de Hollande d'augmenter le budget de la justice, honteusement bas, ni d'employer plus de juges, de greffiers, d'avocats commis d'office, pour la rendre plus rapide et respectueuse des droits des victimes et des prévenus. Pas beaucoup de détails non plus, dans le programme de Hollande, sur les moyens de rendre les conditions carcérales moins négatrices de la dignité des individus et plus propres à la réinsertion, ni sur les alternatives à la prison.

Quant à Marylise Lebranchu, Ayrault et Hollande lui ont offert un poste qui correspond à ses spécialisations au PS afin de respecter un certain pluralisme du gouvernement faisant une place aux partisans de Martine Aubry. Ce ministère important mais soumis aux orientations du ministère du Budget et de l'économie est celui de la Réforme de l'Etat, de la Décentralisation et de la fonction publique.

L'intitulé du ministère n'est en soi guère prometteur pour nous autres qui sommes attachés au service publics car la réforme de l'Etat et la réforme des collectivités territoriales ont été des leviers importants jusqu'ici, notamment depuis la loi LOLF promue par les socialistes sous le gouvernement Jospin, de la réduction de l'emploi public, de la surface et de la qualité des services publics. Ce ministère risque bien d'être un des piliers essentiels de la politique de rigueur voulue par Hollande. Ce que nous demanderions à Marylise Lebranchu, c'est pour commencer de s'engager à réduire la précarité dans la fonction publique en allant vers une titularisation des 800 000 précaires de la fonction publique. C'est aussi d'abroger la réforme des collectivités territoriales mise en place par la droite et contre laquelle les socialistes ont voté au Parlement il y a un an et demi, reforme de recentralisation, d'approfondissement du fossé entre les élus et les citoyens et de la casse des services publics. Il s'agira ensuite d'engager un débat national pour penser les moyens de démocratiser les collectivités territoriales (notamment par l'élection proportionnelle étendue et le recours plus fréquent à la consultation directe des citoyens) et de faire revivre des services publics de proximité cruellement affaiblis.

 

Le message que nous adressons maintenant aux électeurs de la IVème Circonscription du Finistère, c'est: donnez de la force à un groupe parlementaire Front de Gauche indépendant pour empêcher que ce gouvernement aux allures très centriste et social-libérale ne mènent une politique semblable à celle qui a été conduite en Espagne du temps de Zapatero, en Italie du temps de Romano Prodi et Massimo d'Allema, en Allemagne du temps de Schröder, ou en Grèce avec Papandréou.

 

Nous avons besoin d'un vrai changement de cap et d'élus déterminés à mettre fin à la dictature sans partage des marchés financiers pour répondre aux urgences sociales et engager des réformes de structure afin de rendre la société plus égalitaire, démocratique et respectueuse de l'éco-système.  

 

Ismaël Dupont.

        

       

 

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