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14 février 2024 3 14 /02 /février /2024 06:28
Exposition au Jeu de Paume - La Traversée du siècle de Tina Modotti: le dossier de L'Humanité, Magali Jauffret, 13 février 2024

Lire aussi: COMMUNIST'ART: Tina Modotti (1896-1942): photographe et agent communiste cosmopolite au destin extraordinaire

Tina Modotti au Jeu de paume : l’empathie d’une pionnière du photojournalisme

L’exposition « Tina Modotti, l’œil de la révolution », sous le commissariat d’Isabel Tejeda Marin, ne cède pas à la facilité. Elle ne s’épanche pas sur le romanesque de la vie de l’artiste : elle ignore sa vie privée pour se concentrer sur son œuvre.

Magali Jauffret

Quelque 240 images en noir et blanc, souvent vintage, parfois reproduites dans les années 1980 ou tirées aujourd’hui, car encore inédites. Car, oui, la vie mouvementée et nomade de Tina Modotti a disséminé son œuvre produite dans la seule décennie 1920-1930.

Deux malles se trouvaient ainsi dans l’Oregon, chez Rose Richey, la mère de son époux Robo ; certains négatifs chez Edward Weston ; d’autres chez le collègue et ami Manuel Alvarez Bravo ; d’autres chez la fille de Vittorio Vidali, son dernier compagnon ; les derniers négatifs on été découverts chez les héritiers d’Anita Brenner.

Deux signatures différentes

Sur les cimaises du Jeu de paume à Paris, on voit l’évolution rapide de la photographe, qui passe d’images très formelles, enseignées par Edward Weston, à des roses qui, plein cadre, sans structure ni centre défini, ont quelque chose de tactile, de vulnérable. Elle s’émancipe, trouve sa propre signature.

Plus loin, c’est intéressant : ils ont, Edward et Tina, photographié le même cirque. Lui a privilégié les lignes, elle aussi, mais, dans le cadre, elle a fait entrer les spectateurs. Il lui faut de la chair, de l’humain. Au Mexique, elle a trouvé son peuple !

Pareil pour Luz. Lui a brossé un portrait sobre, mélancolique. Elle a choisi de la photographier, son bébé au bras. On verra plus loin avec quelle empathie elle regarde les mères avec enfants.

Bientôt, on découvre la commande d’Anita Brenner pour son livre Des idoles derrière les autels, qui traite de la culture populaire mexicaine. Ce travail lui ouvre des portes. Ainsi devient-elle la photographe officielle des peintres muralistes dont elle dresse les portraits en plein travail.

Sur toutes les cimaises, elle insiste sur les mains et les corps des prolétaires surexploités auxquels on fait porter de lourdes charges et qui en perdent leur individualité, sur les femmes avec enfants qui travaillent dur.

Enfin de la photo de rue !

Son œuvre évolue encore lorsque, en 1926, elle troque l’appareil Corona de ses débuts contre un Graflex qui lui permet de faire des photos de rue. À elle les manifestations ! Les ouvriers agricoles représentés, sous la forêt de leurs sombreros, comme une force unique, acquièrent de la puissance dans les colonnes du journal du Parti communiste El Machete collé sur tous les murs. Elle assiste aux réunions sur la redistribution des terres. Fleurissent les allégories de propagande sur la faucille et le marteau, la femme au drapeau…

Le contraste est terrible. À Berlin, déprimée, seule et sans le sou, elle n’est pas inspirée par la réalité. À Moscou, on ne sait pas ce qui est arrivé : a-t-elle jeté son appareil dans la Moskova comme le dit le poète Pablo Neruda ? On ignore aussi ce qui s’est passé pendant la guerre d’Espagne, si photogénique ! Vittorio Vidali dit qu’elle aurait fait des photos. Qui les détiendrait ? Où ?

On se rend compte qu’elle a anticipé le travail social de Walker Evans et Dorothea Lange, effectué en 1926 en Amérique. Et comme on aurait aimé savoir s’ils ont parlé photographie lorsqu’elle rencontra, à Madrid, lors d’une mobilisation pour la paix, Gerda Taro et Robert Capa…

Exposition au Jeu de Paume - La Traversée du siècle de Tina Modotti: le dossier de L'Humanité, Magali Jauffret, 13 février 2024
Exposition : la traversée du siècle de Tina Modotti

Le Jeu de paume, à Paris, présente une exposition des photographies de Tina Modotti, dont l’engagement communiste lui a valu de rester longtemps invisibilisée, exclue de l’histoire de l’art. Ainsi, à une époque où naît le cinéma muet, l’Italienne prend déjà pleinement sa place dans le débat entre formalisme et engagement politique.

Magali Jauffret

Elle débarque à Ellis Island, le 8 juillet 1913. Migrante de 17 ans, elle voyage seule et vient d’Udine, dans le Frioul italien, où vit sa famille, d’origine modeste. Elle fuit l’usine textile où, depuis l’âge de 12 ans, elle travaille douze heures par jour. À peine franchi l’océan, elle trouve un emploi de couturière dans un prestigieux magasin de mode. Et très vite, sa beauté aidant, elle en devient le mannequin, pose pour des portraits de nu et s’aventure à jouer dans des pièces de théâtre.

La vie américaine est pleine de révélations. Au Palace of Fine Arts, Tina Modotti découvre le peintre norvégien Edvard Munch, le photographe américain Edward Weston, et fait la connaissance du poète Roubaix de l’Abrie Richey, dit Robo, et de la bohème artistique qu’il fréquente.

La période Hollywood

Le 15 octobre 1918, le couple se marie et file à Hollywood où Tina, remarquée par des producteurs, s’essaie au cinéma en jouant dans plusieurs films, dont Tiger’s Coat. Le couple évolue avec bonheur au sein d’un cercle d’avant-garde, source d’inspiration intensive. Il n’a pas peur du maccarthysme qui gagne du terrain et n’empêche pas l’Italienne de s’engager en faveur de ses compatriotes immigrés anarchistes, Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti, qui finiront électrocutés.

Tous sont fascinés par la révolution mexicaine qui vient de programmer la restitution aux populations indiennes des terres spoliées par l’Église et les gros propriétaires. Tous ont une furieuse envie d’aller voir ce que va donner ce pays où l’art est décrété l’un des piliers de la refondation, après la révolution.

L’image comme outil de dénonciation de la pauvreté

Le 25 avril 1921, Edward Weston qui, à sa demande, a commencé d’enseigner son art à Tina, lui donne rendez-vous dans son atelier pour une séance de pose. Ils entament une liaison enflammée. Mais voilà : l’homme, de dix ans son aîné, meilleur ami de Robo, a une femme et quatre enfants. Qu’importe, Tina Modotti a soif des recherches et expérimentations très pictorialistes d’Edward Weston. Et elle apprend vite !

En janvier 1922, Robo part seul au Mexique où il est invité à exposer avec Edward Weston. Son couple avec Tina bat de l’aile. Il décède là-bas de la variole. Dès lors, Tina décide d’arrêter le cinéma, de passer d’objet devant l’objectif à sujet, derrière.

En 1923, elle revient au Mexique avec Edward Weston. Ils ouvrent un studio photo. Elle devient son assistante. Bientôt, elle s’éloigne de son formalisme à lui en faisant ce qu’elle appelle une « photo incarnée », capable d’accueillir son émotion. Elle veut montrer « la façon dont vit l’autre moitié », l’autre moitié pauvre. Elle se sert de l’image comme outil de dénonciation de la pauvreté, du sort des femmes, publie dans le journal communiste El Machete. Jusqu’en 1930, elle donne tout à un photojournalisme engagé dont elle est pionnière.

L’assassinat de son amant

Après le départ d’Edward Weston, la maison de Tina continue d’être le lieu où se rencontrent l’anthropologue Anita Brenner, le peintre muraliste Diego Rivera, auquel elle présente Frida Kahlo, Vladimir Maïakovski et John Dos Passos, de passage à Mexico. Tina Modotti vit maintenant avec un jeune et brillant intellectuel cubain en exil, Julio Antonio Mella, fondateur du Parti communiste cubain. Un soir où ils rentrent du cinéma, il est abattu à ses côtés, en pleine rue.

Le pouvoir cherche à faire croire que ce crime politique est un crime passionnel. Blanchie lors d’un procès à charge, la jeune femme n’en subit pas moins un terrible harcèlement policier et médiatique. Sa vie privée est exposée, les nus qu’Edward Weston a faits d’elle. Bientôt, on attribue aux communistes la responsabilité d’un attentat contre le président. Tina Modotti est arrêtée et expulsée.

Sur le bateau qui l’emmène en Europe, elle retrouve l’Italien de Trieste Vittorio Vidali, qui rejoint Moscou où il travaille pour le Komintern. À Rotterdam, la police mussolinienne veut l’arrêter. Les avocats du Secours rouge international s’interposent.

Ne se plaisant pas à Berlin, elle rejoint Vittorio Vidali à Moscou. Passant de l’esprit du Bauhaus à celui du réalisme socialiste, elle abandonne la photographie pour se consacrer à la lutte contre le fascisme en travaillant pour le Secours rouge international.

Lorsqu’elle vient en réorganiser la section française, elle est hébergée par la famille Rol-Tanguy, chef d’état-major des FFI à Paris. Elle parcourt l’Europe dans tous les sens pour porter secours aux familles des prisonniers politiques. En Espagne, elle a fort à faire lorsque 30 000 mineurs des Asturies sont arrêtés, fin 1934.

Sur tous les fronts de la guerre d’Espagne

En 1933, elle rejoint Vittorio Vidali en Espagne. Il devient comandante Pablo Contreras. Tina devient Maria. Proche de Dolorès Ibarruri, présidente du Parti communiste espagnol, elle travaille à l’organisation de l’aide internationale à la République, écrit pour Ayuda, le journal du Secours rouge espagnol. Elle est sur tous les fronts : milicienne dans le bataillon féminin du 5° régiment, infirmière à l’hôpital ouvrier du Cuatro Caminos. Elle évacue les enfants vers le Mexique et l’URSS, elle accompagne le départ des Brigades Internationales et la Retirada…

Après la défaite, elle fuit avec Vittorio Vidali à Paris et, de là, à New York où, interdite de débarquement, on la place sur un bateau en partance pour le Mexique. Elle y vit en clandestine avant que le nouveau président n’annule son ordre d’expulsion. Vittorio Vidali est arrêté, accusé d’avoir trempé dans le meurtre de Trotski, survenu en août 1940 à Mexico. Elle a besoin de voir ses amis, passe la nuit de la Saint-Sylvestre chez Pablo Neruda, rentre d’un dîner chez l’architecte du Bauhaus Hannes Meyer lorsque, le 6 janvier, elle meurt, épuisée, d’une crise cardiaque, à l’arrière du taxi qui la ramène. Elle a 45 ans.

« Tina Modotti, l’œil de la révolution », jusqu’au 12 mai, au Jeu de paume, Paris. Catalogue Jeu de paume, Flammarion, Fondation Mapfre, 352 pages, 45 euros.

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4 février 2024 7 04 /02 /février /2024 18:00

Une superbe exposition de peintres et sculpteurs haïtiens de la deuxième moitié du XXe siècle et du XXIe siècle au siège national du Parti communiste à Colonel Fabien, que nous avons eu le bonheur de visiter à Colonel Fabien avec un des artistes, par ailleurs grand collectionneur et ambassadeur de l'art haïtien en France: Léon Patrick Cauvin.

Merci pour cette initiative et de nous faire découvrir ces artistes extraordinaires. 

Ismaël Dupont

 

Une superbe exposition d'artistes haïtiens à Colonel Fabien en ce début février
Une superbe exposition d'artistes haïtiens à Colonel Fabien en ce début février
Une superbe exposition d'artistes haïtiens à Colonel Fabien en ce début février
Une superbe exposition d'artistes haïtiens à Colonel Fabien en ce début février
Une superbe exposition d'artistes haïtiens à Colonel Fabien en ce début février
Une superbe exposition d'artistes haïtiens à Colonel Fabien en ce début février
Une superbe exposition d'artistes haïtiens à Colonel Fabien en ce début février
Une superbe exposition d'artistes haïtiens à Colonel Fabien en ce début février
Une superbe exposition d'artistes haïtiens à Colonel Fabien en ce début février
Une superbe exposition d'artistes haïtiens à Colonel Fabien en ce début février
Une superbe exposition d'artistes haïtiens à Colonel Fabien en ce début février
Une superbe exposition d'artistes haïtiens à Colonel Fabien en ce début février
Une superbe exposition d'artistes haïtiens à Colonel Fabien en ce début février
Une superbe exposition d'artistes haïtiens à Colonel Fabien en ce début février
Une superbe exposition d'artistes haïtiens à Colonel Fabien en ce début février
Une superbe exposition d'artistes haïtiens à Colonel Fabien en ce début février
Une superbe exposition d'artistes haïtiens à Colonel Fabien en ce début février
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8 mai 2023 1 08 /05 /mai /2023 07:01
Le 6 mai, visite collective de l'exposition rétrospective Willy Ronis au Musée de Pont Aven suivie d'une conférence de Renaud Faroux
Le 6 mai, visite collective de l'exposition rétrospective Willy Ronis au Musée de Pont Aven suivie d'une conférence de Renaud Faroux
Le 6 mai, visite collective de l'exposition rétrospective Willy Ronis au Musée de Pont Aven suivie d'une conférence de Renaud Faroux
Le 6 mai, visite collective de l'exposition rétrospective Willy Ronis au Musée de Pont Aven suivie d'une conférence de Renaud Faroux
Le 6 mai, visite collective de l'exposition rétrospective Willy Ronis au Musée de Pont Aven suivie d'une conférence de Renaud Faroux
Le 6 mai, visite collective de l'exposition rétrospective Willy Ronis au Musée de Pont Aven suivie d'une conférence de Renaud Faroux
Le 6 mai, visite collective de l'exposition rétrospective Willy Ronis au Musée de Pont Aven suivie d'une conférence de Renaud Faroux
Le 6 mai, visite collective de l'exposition rétrospective Willy Ronis au Musée de Pont Aven suivie d'une conférence de Renaud Faroux
Le 6 mai, visite collective de l'exposition rétrospective Willy Ronis au Musée de Pont Aven suivie d'une conférence de Renaud Faroux

Après la visite de l'exposition consacrée à Willy Ronis au Musée de Pont Aven conférence de Renaud Faroux salle Anne Follézou sur la Photographie humaniste.

Samedi 6 mai - Pont Aven et Port de Brigneau

Le photographe de "L'Humanité" et de "Regards" Willy Ronis mis à l'honneur par une visite collective organisé par le PCF 29 et le réseau partage des savoirs du PCF Pays de Quimperlé à Pont Aven et une conférence de Renaud Faroux.

Photos Dominique Gontier et Roberte Saint-jalmes

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13 mars 2023 1 13 /03 /mars /2023 11:33
Tawfik Zayyad

Tawfik Zayyad

Communist'Art: Tawfik Zayyad (1929-1994).
 
"Je graverai le numéro de chaque parcelle
de notre terre violée
et l’emplacement de notre village et ses limites
et ses maisons qu’ils ont dynamitées
et mes arbres qu’ils ont déracinés
et toutes les fleurs sauvages qu’ils ont arrachées
afin de me souvenir.
Je graverai inlassablement
toutes les saisons de mes douleurs
toutes les saisons de l’infortune
de la graine
à la coupole
sur l’olivier
dans la cour de ma maison."
 
Tawfik Zayyad est un poète palestinien né à Nazareth en 1929 et décédé en 1994.
Né en Galilée, il étudie la littérature en URSS.
Zayyad était à la fois maire de Nazareth, la plus grande ville palestinienne d'Israël, député communiste à la Knesset (parlement israélien) de 1973 à 1994 et dirigeant du parti communiste d'Israël, le Rakah, qui rassemblait des militants juifs et arabes.
L’une des réalisations les plus marquantes de Zayyad fut d’avoir dirigé avec succès la grève nationale du 30 mars 1976 organisée en guise de protestation contre la confiscation de terres palestiniennes par Israël et qui est aujourd’hui commémorée chaque année comme Journée de la Terre. Quand le gouvernement israélien tenta d’arrêter la grève en allant trouver les maires des municipalités palestiniennes en Israël, Zayyad, dit-on, montra du doigt la foule de plusieurs centaines de personnes massées en dehors de l’immeuble pour soutenir la grève et déclara : « Ce n’est pas vous qui décidez si cette grève a lieu ou pas, mais bien eux ! ». Une telle foi dans le pouvoir des masses et de la lutte de classe est profondément enracinée dans lidéologie communiste, dont Zayyad était un adepte passionné.
Un rapport qu'il coécrit sur les conditions dans les prisons et l'usage de la torture concernant les détenus palestiniens est réimprimé dans le journal israélien Al HaMishmar Il est également présenté aux Nations-Unies par Taoukik Toubi et Taoufik Ziyad après leur visite à la prison Al-Far'ah le 29 octobre 1987. Il est ensuite longuement cité dans un rapport de l'Assemblée générale des Nations Unies en date du 23 décembre 1987, où il est décrit comme « peut-être la meilleure preuve de la vérité des rapports décrivant les conditions inhumaines répugnantes endurées par les prisonniers arabes ».
Alors qu'il est toujours maire de Nazareth et membre de la Knesset, il est tué le 5 juillet 1994 dans une collision frontale dans la vallée du Jourdain, sur le chemin du retour de Jéricho où il venait d'accueillir Yasser Arafat, président de l'OLP, de retour d'exil.
 

Un point important que Sorek fait remarquer dans son livre, c’est que Zayyad et le communisme sont indissociables. La vision de Zayyad était fermement enracinée dans la solidarité de classe, l’anticolonialisme et le cosmopolitisme. De plus, Zayyad n’hésitait pas à défendre ses points de vue, réprimandant même Gamal Abdel Nasser en 1959 – le dirigeant arabe le plus populaire de l’époque, et même à ce jour – d’avoir adopté une position anticommuniste. La foi inébranlable de Zayyad en l’idéologie marxiste modelait sa vision dans le sens d’une réconciliation juste des Palestiniens et des Israéliens et d’un optimisme constant à propos d’un partenariat commun entre Palestiniens et Juifs.

« Il cherchait des ponts vers les Israéliens juifs en raison de sa foi en une humanité partagée, en une affiliation de classe partagée. » (Sorek, p. 282).

Internationaliste et communiste, Zayyad était profondément palestinien. Même s'il a écrit des poèmes en l'honneur des travailleurs et des poètes progressistes du monde, sa poésie se confond avec cette terre tant aimée, cette"terre violée" de la Palestine. Zayyad ressentait la tragique histoire de la Palestine et de son peuple qui lutte toujours pour sa survie. "Le drame que je vis est ma part de vos tragédies" écrivait-il dans l'un de ses poèmes :
 
"Je vous appelle
Je serre vos mains
J’embrasse la terre sous vos pieds
 
Et je dis : je vous donne ma vie
Je vous offre la lumière de mes yeux
Et la chaleur de mon cœur
Le drame que je vis est ma part de vos tragédies.
Face à mes oppresseurs je me suis dressé
Orphelin, nu, déchaussé
J’ai préservé l’herbe verte sur les tombes de mes ancêtres"
 
Comme d'autres palestiniens, Zayyad n'a pas quitté sa Galilée natale ; il voulait, disait-il, garder l'ombre des orangers et des oliviers de la Palestine:
 
"Ici nous resterons
Gardiens de l'ombre des orangers et des oliviers
Si nous avons soif nous presserons les pierres
Nous mangerons de la terre si nous avons faim mais nous ne partirons pas !!
Ici nous avons un passé un présent et un avenir"
 
Sources:
Wikipédia
https://charleroi-pourlapalestine.be/index.php/2020/12/23/tawfiq-zayyad-poete-de-la-resistance-et-la-lutte-palestinienne/
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11 mars 2023 6 11 /03 /mars /2023 07:00
Kateb Yacine n’a cessé d’écrire, amassant au fil de ses pérégrinations des documents, multipliant les rencontres, les expériences. Ici, vers 1965.- Photo publiée dans l'Humanité

Kateb Yacine n’a cessé d’écrire, amassant au fil de ses pérégrinations des documents, multipliant les rencontres, les expériences. Ici, vers 1965.- Photo publiée dans l'Humanité

Communist'Art: Kateb Yacine
 
 Kateb Yacine naît en 1929 à Constantine.
Il est issu d'une famille chaouie originaire des Aurès. Son grand-père maternel est juge suppléant du cadi, à Condé Smendou, son père est avocat et sa famille le suit dans ses mutations successives.
Le jeune Kateb (nom qui signifie « écrivain» en arabe) entre en 1934 à l'école coranique de Sedrata, et en 1935 à l'école française à Lafayette (aujourd'hui Bougaa en Petite Kabylie, actuelle wilaya de Sétif), où sa famille s'est installée, puis en 1941, comme interne, au lycée de Sétif : le lycée Albertini.
Kateb Yacine se trouve en classe de troisième quand éclatent les manifestations du 8 mai 1945, auxquelles il participe et qui s'achèvent sur le massacre de plusieurs dizaines de milliers d'Algériens par la police, l'armée françaises et des milices.
Quatorze membres de sa famille sont tués au cours du massacre. Trois jours plus tard, il est arrêté et détenu durant deux mois. Il est définitivement acquis à la cause nationale, tandis qu'il voit sa mère « devenir folle ».
 
Il dira: «Je suis né quand j’avais seize ans, le 8 mai 1945. Puis, je fus tué fictivement, les yeux ouverts, auprès de vrais cadavres et loin de ma mère qui s’est enfuie pour se cacher, sans retour, dans une cellule d’hôpital psychiatrique. Elle vivait dans une parenthèse, qui, jamais plus, ne s’ouvrira. Ma mère, lumière voilée, perdue dans l’infini de son silence»
 
Exclu du lycée, traversant une période d'abattement, plongé dans Baudelaire et Lautréamont, son père l'envoie au lycée de Bône.
Il y rencontre Nedjma (l'étoile), « cousine déjà mariée », avec qui il vit « peut-être huit mois », confiera-t-il,et y publie en 1946 son premier recueil de poèmes.
Il se politise et commence à faire des conférences sous l'égide du Parti du peuple algérien, le parti nationaliste de masse de l'époque.
En 1947, Kateb arrive à Paris, « dans la gueule du loup ». Il prononce en mai, à la Salle des Sociétés savantes, une conférence sur l'émir Abdelkader et adhère au Parti communiste algérien.
Au cours d'un deuxième voyage en France métropolitaine, il publie l'année suivante Nedjma ou le Poème ou le Couteau (« embryon de ce qui allait suivre ») dans la revue Le Mercure de France.
Journaliste au quotidien communiste de rassemblement "Alger républicain"  entre 1949 et 1951, son premier grand reportage a lieu en Arabie saoudite et au Soudan (Khartoum).
À son retour, il publie notamment, sous le pseudonyme de Saïd Lamri, un article dénonçant l'« escroquerie » du lieu saint de La Mecque.
Après la mort de son père, survenue en 1950, Kateb devient docker à Alger, en 1952. Puis il s'installe à Paris jusqu'en 1959, où il travaille avec Malek Haddad, se lie avec M'hamed Issiakhem, Armand Gatti et, en 1954, s'entretient longuement avec Bertolt Brecht, dialogue avec Cesaire, Glissant.
En 1954, la revue Esprit publie « Le Cadavre encerclé » qui est mis en scène par Jean-Marie Serreau, mais interdit en France.
Son chef d’œuvre, Nedjma paraît en 1957 (et Kateb se souviendra de la réflexion d'un lecteur : « C'est trop compliqué, ça. En Algérie vous avez de si jolis moutons, pourquoi vous ne parlez pas de moutons ? »).
Nedjma, c’est à la fois la femme et l’Algérie, l’incarnation de la résistance à toutes les oppressions. Nedjma lui confère une place singulière dans la littérature, le propulse au premier rang, le consacre comme l’écrivain de la littérature moderne algérienne. Avant lui, Mammeri, Feraoun, ­Mohamed Dib, Malek Haddad avaient entrouvert la porte. Kateb la pousse définitivement.

Et la figure de Nedjma fera des apparitions récurrentes dans son œuvre, fantôme incarné qui franchit le temps et l’espace, toujours là avec, à ses côtés, ­Lakhdar et Mohamed.

En 1958, le metteur en scène et ami Jean-Marie Serreau monte le Cadavre encerclé, de Kateb. Cela fait quatre ans que l’Algérie est le théâtre d’une guerre sans nom. Les autorités françaises interdisent la pièce. Elle se jouera au Théâtre Molière, à Bruxelles, dans un climat de grande tension. Dans la distribution, Serreau, mais aussi José Valverde, Edwine Moatti, Paul Crauchet ou encore Antoine Vitez.

Durant la guerre d'Algérie, Kateb, harcelé par la Direction de la surveillance du territoire, connaît une longue errance, invité comme écrivain ou subsistant à l'aide d'éventuels petits métiers, en France, Belgique, Allemagne, Italie, Yougoslavie et Union soviétique.
En 1962, après un séjour au Caire, Kateb est de retour en Algérie peu après les fêtes de l'Indépendance.
Il reprend sa collaboration à "Alger républicain", mais il effectue entre 1963 et 1967 de nombreux séjours à Moscou, en Allemagne et en France tandis que "La Femme sauvage", qu'il écrit entre 1954 et 1959, est représentée à Paris en 1963.
Il publie en 1964 dans "Alger républicain" six textes sur "Nos frères les Indiens" et raconte dans Jeune Afrique sa rencontre avec Jean-Paul Sartre, tandis que sa mère est internée à l'hôpital psychiatrique de Blida (« La Rose de Blida », dans Révolution Africaine, juillet 1965). En 1967, il part pour le Vietnam, abandonne complètement la forme romanesque et écrit "L'Homme aux sandales de caoutchouc".
Lorsqu’il décide de rester plus durablement en Algérie, en 1970, il abandonne l’écriture en français et se lance dans une expérience théâtrale en langue dialectale dont Mohamed, prends ta valise, sa pièce culte, donnera le ton. Fondateur de l’Action culturelle des travailleurs (ACT), il joue dans les lieux les plus reculés et improbables, usines, casernes, hangars, stades, places publiques... avec des moyens très simples et minimalistes — les comédiens s’habillent sur scène et interprètent plusieurs personnages —, le chant et la musique constituant des éléments de rythme et de respiration.
« Lorsque j’écrivais des romans ou de la poésie, je me sentais frustré parce que je ne pouvais toucher que quelques dizaines de milliers de francophones, tandis qu’au théâtre nous avons touché en cinq ans près d’un million de spectateurs. (...) Je suis contre l’idée d’arriver en Algérie par l’arabe classique parce que ce n’est pas la langue du peuple ; je veux pouvoir m’adresser au peuple tout entier, même s’il n’est pas lettré, je veux avoir accès au grand public, pas seulement les jeunes, et le grand public comprend les analphabètes. Il faut faire une véritable révolution culturelle. »
L’engagement politique de Kateb détermina fondamentalement ses choix esthétiques : « Notre théâtre est un théâtre de combat ; dans la lutte des classes, on ne choisit pas son arme. Le théâtre est la nôtre. Il ne peut pas être discours, nous vivons devant le peuple ce qu’il a vécu, nous brassons mille expériences en une seule, nous poussons plus loin et c’est tout. Nous sommes des apprentis de la vie . » Pour lui, seule la poésie peut en rendre compte ; elle est le centre de toutes choses, il la juge « vraiment essentielle dans l’expression de l’homme ». Avec ses images et ses symboles, elle ouvre une autre dimension. « Ce n’est plus l’abstraction désespérante d’une poésie repliée sur elle-même, réduite à l’impuissance, mais tout à fait le contraire (...). J’ai en tous les cas confiance dans [son] pouvoir explosif, autant que dans les moyens conscients du théâtre, du langage contrôlé, bien manié »
Un « pouvoir explosif » qu’il utilisera dans "Le Cadavre encerclé", où la journée meurtrière du 8 mai 1945, avec le saccage des trois villes de l’Est algérien, Guelma, Kherrata et Sétif, par les forces coloniales, est au cœur du récit faisant le lien entre histoire personnelle et collective.
Kateb Yacine a fait le procès de la colonisation, du néocolonialisme mais aussi de la dictature post-indépendance qui n’a cessé de spolier le peuple. Dénonçant violemment le fanatisme arabo-islamiste, il luttait sur tous les fronts et disait qu’il fallait «révolutionner la révolution ».
S’il considérait le français comme un « butin de guerre », il s’est aussi élevé contre la politique d’arabisation et revendiquait l’arabe dialectal et le tamazight (berbère) comme langues nationales. Surnommant les islamo-conservateurs les « Frères monuments », il appelait à l’émancipation des femmes, pour lui actrices et porteuses de l’histoire : « La question des femmes algériennes dans l’histoire m’a toujours frappé. Depuis mon plus jeune âge, elle m’a semblé primordiale. Tout ce que j’ai vécu, tout ce que j’ai fait jusqu’à présent a toujours eu pour source première ma mère (...). S’agissant notamment de la langue, s’agissant de l’éveil d’une conscience, c’est la mère qui fait prononcer les premiers mots à l’enfant, c’est elle qui construit son monde »
L’éventail et la radicalité de sa critique lui ont valu autant de passions que d’inimitiés.
En 1986 il livre un extrait d'une pièce sur Nelson Mandela, et reçoit en 1987 en France le Grand prix national des Lettres.
Dans la perspective du bicentenaire de la Révolution française, on lui commande une pièce. Il écrit le Bourgeois sans-culotte ou le Spectre du parc Monceau. Elle est jouée en 1984 à Arras, puis en 1988 au Festival d’Avignon. Il faut lire et relire cette pièce. C’est une sorte de grand embrasement révolutionnaire de 1789 aux luttes pour l’indépendance. Les terroristes – tels que les qualifiaient les royalistes, les pétainistes et les nazis, les défenseurs de l’Empire colonial français – sont des révolutionnaires. Kateb prend le contre-pied des thèses en vogue d’un Furet, qui s’acharne à détruire la figure de Robespierre. Pour lui, les révolutionnaires de 1789 sont les ancêtres des indépendantistes algériens : « Le préfet de police Papon achève l’œuvre de La Fayette. À Charonne comme au Champ-de-Mars, la police française a tué des Français. (…) Cinq cent mille Parisiens ont assisté à l’enterrement des neuf morts de Charonne. La France de la Révolution vient de se reconnaître dans l’Algérie indépendante. »

« Notre théâtre, confiait-il en 1975 à Colette Godard dans le Monde, est de combat. (…) Nous défendons, nous attaquons, c’est une forme d’action politique dans la ligne de la Révolution.(…) Nous ne faisons peut-être pas du théâtre, mais nous créons le débat idéologique sans lequel toute révolution n’est qu’un exercice militaire. » Kateb ne cède rien, ni aux sirènes de la gloire, ni au confort d’une reconnaissance réelle, ni au public qu’il bouscule dans ses retranchements : « Il faut le harceler, ne pas le laisser reprendre son souffle. Le vrai théâtre est un combat pour le public et contre lui », dira-t-il.

Son théâtre est aussi subversif par sa langue : indisciplinée, rugueuse, joyeuse. Le lire et le relire aujourd’hui est à la fois vertigineux et salutaire. Comme un Gatti, un Benedetto, ses écrits sont à redécouvrir. Il serait temps de retourner à ces création denses, d’oser les remettre sur le métier. À Paris, un square dans le 13e arrondissement porte son nom. À Grenoble, une bibliothèque. Le théâtre de Tizi Ouzou. C’est peu au regard de l’immensité de son talent, de son engagement. On ne connaît pas la date de naissance exacte de Kateb Yacine. On est sûr qu’il est mort le 28 octobre 1989. Laissant une œuvre inachevée qui respire encore…

Il est enterré au cimetière d'Al Alia à Alger.
 
Source: Wikipedia, article de Marina Da Silva dans Le Monde Diplomatique, article de Marie-José Sirach dans L'Humanité
LES FOURMIS ROUGES -
Kateb Yacine (1929-1989)
 
Fallait pas partir.
Si j'étais resté au collège, ils ne m'auraient pas arrêté.
Je serais encore étudiant, pas manoeuvre, et je ne serais pas enfermé une seconde fois, pour un coup de tête.
Fallait rester au collège, comme disait le chef de district.
Fallait rester au collège, au poste.
Fallait écouter le chef de district.
Mais les Européens s'étaient groupés.
Ils avaient déplacé les lits.
Ils se montraient les armes de leurs papas.
Y avait plus ni principal ni pions.
L'odeur des cuisines n'arrivait plus.
Le cuisinier et l'économe s'étaient enfuis.
Ils avaient peur de nous, de nous, de nous !
Les manifestants s'étaient volatilisés.
le suis passé à l'étude. J'ai pris les tracts.
J'ai caché la Vie d'Abdelkader .
J'ai ressenti la force des idées.
J'ai trouvé l'Algérie irascible. Sa respiration...
La respiration de l'Algérie suffisait.
Suffisait à chasser les mouches.
Puis l'Algérie elle même est devenue...
Devenue traîtreusement une mouche.
Mais les fourmis, les fourmis rouges,
Les fourmis rouges venaient à la rescousse.
Je suis parti avec les tracts.
Je les enterrés dans la rivière.
J'ai tracé sur le sable un plan...
Un plan de manifestation future.
Qu'on me donne cette rivière, et je me battrai.
je me battrai avec du sable et de l'eau.
De l'eau fraîche, du sable chaud. Je me battrai.
J'étais décidé. Je voyais donc loin. Très loin.
Je voyais un paysan arc-bouté comme une catapulte.
Je l'appelai, mais il ne vint pas. Il me fit signe.
Il me fit signe qu'il était en guerre.
En guerre avec son estomac, Tout le monde sait...
Tout le monde sait qu'un paysan n'a pas d'esprit.
Un paysan n'est qu'un estomac. Une catapulte.
Moi j'étais étudiant. J'étais une puce.
Un puce sentimentale... Les fleurs des peupliers...
Les fleurs des peupliers éclataient en bourre soyeuse.
Moi j'étais en guerre. je divertissais le paysan.
Je voulais qu'il oublie sa faim. Je faisais le fou. Je faisais le fou devant
mon père le paysan. Je bombardais la lune dans la rivière.
 
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11 mars 2023 6 11 /03 /mars /2023 06:55
Colette Anna Grégoire, dite Anna Greki

Colette Anna Grégoire, dite Anna Greki

Communist'Art
 
Colette Anna Grégoire, dite Anna Greki, est une poétesse algérienne d’origine et d'expression française, fille d'instituteur, née à Batna le 14 mars 1931.
Elle est élevée au milieu d'une communauté berbère chaoui et se trouve très tôt confrontée à la misère des algériens.
Elle passe son enfance à Menaa et effectue ses études primaires à Collo, secondaires à Skikda (Philippeville) et Annaba.
Poursuivant ses études de lettres modernes à la Sorbonne, elle fait connaissance de l’étudiant Ahmed Inal, originaire de Tlemcen et membre du Parti communiste algérien.
En 1955, elle interrompt ses études et rentre en Algérie avec lui pour participer activement au combat pour l’indépendance et enseigne comme institutrice.
Ahmed Inal est tué par l’armée française le 20 octobre 1956 : « Vivant plus que vivant au cœur de ma mémoire et de mon cœur … » a écrit Anna dans l’un des poèmes dédiés à sa mémoire.
Devenue à son tour, par conviction, institutrice à Annaba (Bône) puis à Alger, elle milite au Parti Communiste algérien.
Membre actif des "Combattants de la Libération", elle sera arrêtée par les parachutistes de Massu en 1957, elle est torturée puis emprisonnée à la prison civile d'Alger, transférée au camp de transit de Beni Messous en 1958, et ensuite expulsée d'Algérie (sans doute parce qu'elle était française).
Elle travaille comme institutrice à Avignon de 1959 à 1961.
Elle épouse Jean-Claude Melki en 1960 puis gagne Tunis où vit son mari et où sera publié son premier recueil : « Algérie, Capitale Alger ».
Rentrée en Algérie à l’indépendance en 1962, elle signe ses poèmes « Anna Gréki », contraction de son nom « Grégoire » et de celui de son mari « Melki ».
Membre de la première Union des écrivains algériens, fondée le 28 octobre 1963.
Elle s’enthousiasme pour la construction d’une Algérie « démocratique populaire et socialiste », mais déplore rapidement le virage autoritaire du régime.
Son recueil Algérie, Capitale Alger, préfacé par Mostefa Lacheraf, est publié à Tunis et Paris en juillet 1963.
Obtenant sa licence en 1965 Anna Gréki est nommée professeure de français au lycée Abdelkader d’Alger.
Elle prend alors nettement position dans les débats qui sont menés autour des orientations révolutionnaires de la littérature.
Elle prépare simultanément une étude sur les voyages en Orient de Lamartine, Flaubert et Nerval et commence l’écriture d’un roman.
Elle décède tragiquement à 35 ans au cours de son accouchement à Alger le 6 janvier 1966, elle laisse un second recueil : « Temps forts » qui sera publié par "Présence africaine".
 
"Même en hiver le jour n’était qu’un verger doux
Quand le col du Guerza s’engorgeait sous la neige
Les grenades n’étaient alors que des fruits - seule
Leur peau de cuir saignait sous les gourmandises
On se cachait dans le maquis crépu pour rire
Seulement. Les fusils ne fouillaient que gibier.
Et si la montagne granitique sautait
A la dynamite, c’était l’instituteur
Mon père creusant la route à sa Citroën.
Aucune des maisons n’avait besoin de portes
Puisque les visages s’ouvraient dans les visages.
Et les voisins épars, simplement voisinaient.
La nuit n’existait pas puisque l’on y dormait.
C’était dans les Aurès..."
 
Extrait de "Même en hiver"...
Communist'Art
Avec la rage au cœur - Anna Gréki (1931-1966)
 
Je ne sais plus aimer qu'avec la rage au cœur
C'est ma manière d'avoir du cœur à revendre
C'est ma manière d'avoir raison des douleurs
C'est ma manière de faire flamber des cendres
A force de coups de cœur à force de rage
La seule façon loyale qui me ménage
Une route réfléchie au bord du naufrage
Avec son pesant d'or de joie et de détresse
Ces lèvres de ta bouche ma double richesse
A fond de cale à fleur de peau à l'abordage
Ma science se déroule comme des cordages
Judicieux où l'acier brûle ces méduses
Secrètes que j'ai draguées au fin fond du large
Là où le ciel aigu coupe au rasoir la terre
Là où les hommes nus n'ont plus besoin d'excuses
Pour rire déployés sous un ciel tortionnaire
Ils m'ont dit des paroles à rentrer sous terre
Mais je n'en tairai rien car il y a mieux à faire
Que de fermer les yeux quand on ouvre son ventre
Je ne sais plus aimer qu'avec la rage au cœur
Avec la rage au cœur aimer comme on se bat
Je suis impitoyable comme un cerveau neuf
Qui sait se satisfaire de ses certitudes
Dans la main que je prends je ne vois que la main
Dont la poignée ne vaut pas plus cher que la mienne
C'est bien suffisant pour que j'en aie gratitude
De quel droit exiger par exemple du jasmin
Qu'il soit plus que parfum étoile plus que fleur
De quel droit exiger que le corps qui m'étreint
Plante en moi sa douceur à jamais à jamais
Et que je te sois chère parce que je t'aimais
Plus souvent qu'a mon tour parce que je suis jeune
Je jette l'ancre dans ma mémoire et j'ai peur
Quand de mes amis l'ombre me descend au cœur
Quand de mes amis absents je vois le visage
Qui s'ouvre à la place de mes yeux - je suis jeune
Ce qui n'est pas une excuse mais un devoir
Exigeant un devoir poignant à ne pas croire
Qu'il fasse si doux ce soir au bord de la plage
Prise au défaut de ton épaule - à ne pas croire...
Dressée comme un roseau dans ma langue les cris
De mes amis coupent la quiétude meurtrie
Pour toujours - dans ma langue et dans tous les replis
De la nuit luisante - je ne sais plus aimer
Qu'avec cette plaie au cœur qu'avec cette plaie
Dans ma mémoire rassemblée comme un filet
Grenade désamorcée la nuit lourde roule
Sous ses lauriers-roses là où la mer fermente
Avec des odeurs de goudron chaud dans la houle
Je pense aux amis morts sans qu'on les ait aimés
Eux que l'on a jugés avant de les entendre
Je pense aux amis qui furent assassinés
A cause de l'amour qu'ils savaient prodiguer
Je ne sais plus aimer qu'avec la rage au cœur
A la saignée des bras les oiseaux viennent boire
 
***
J’habite une ville… - Anna Greki (1931-1966)
J’habite une ville si candide
Qu'on l'appelle Alger la Blanche
Ses maisons chaulées sont suspendues
En cascade en pain de sucre
En coquilles d'oeufs brisés
En lait de lumière solaire
En éblouissante lessive passée au bleu
En plein milieu
De tout le bleu
D'une pomme bleue
Je tourne sur moi-même
Et je bats ce sucre bleu du ciel
Et je bats cette neige bleue du ciel
Bâtis sur des îles battues qui furent mille
Ville audacieuse Ville démarrée
Ville au large rapide à l'aventure
On l'appelle El Djezaïr
Comme un navire
De la compagnie Charles le Borgne
 
***
Par-delà les murs clos
Par-delà les murs clos comme des poings fermés
à travers les barreaux ceinturant le soleil
nos pensées sont verticales et nos espoirs
L'avenir lové au coeur monte vers le ciel
comme des bras levés en signe d'adieu
des bras dressés enracinés dans la lumière
en signe d'appel d'amour de reviens ma vie
Je vous serre contre ma poitrine mes soeurs
bâtisseuses de liberté et de tendresse
et je vous dis à demain car nous le savons
L'avenir est pour demain
L'avenir est pour bientôt
***
JUSTE AU-DESSUS DU SILENCE
Je parle bas tout juste au-dessus du silence
Pour que même l'autre oreille n"entende pas
La terre dort à ciel ouvert et dans ma tête
se prolonge avec des rigueurs d'asphodèles
J'ai repeuplé quelques déserts beaucoup marché
Alors je gis dans ma fatigue et dans ma joie
Ces varechs jetés par les lames des étés
Dans des pays des morceaux de moi font semence
et donnent-surgeons de ma tendresse-de tels
Oasis que les jours sont des vergers en fête
Ou l'homme boit une vigueur amniotique
Le bonheur tombe dans le domaine public
 
Colette Anna Grégoire, dite Anna Greki, est une poétesse algérienne d’origine et d'expression française, fille d'instituteur, née à Batna le 14 mars 1931.
Elle est élevée au milieu d'une communauté berbère chaoui et se trouve très tôt confrontée à la misère des algériens.
Elle passe son enfance à Menaa et effectue ses études primaires à Collo, secondaires à Skikda (Philippeville) et Annaba. Poursuivant ses études de lettres modernes à la Sorbonne, elle fait connaissance de l’étudiant Ahmed Inal, originaire de Tlemcen et membre du Parti communiste algérien. En 1955, elle interrompt ses études et rentre en Algérie avec lui pour participer activement au combat pour l’indépendance et enseigne comme institutrice. Ahmed Inal est tué par l’armée française le 20 octobre 1956 : « Vivant plus que vivant au cœur de ma mémoire et de mon cœur … » a écrit Anna dans l’un des poèmes dédiés à sa mémoire.
Devenue à son tour, par conviction, institutrice à Annaba (Bône) puis à Alger, elle milite au Parti Communiste algérien.
Membre actif des "Combattants de la Libération", elle sera arrêtée par les parachutistes de Massu en 1957, elle est torturée puis emprisonnée à la prison civile d'Alger, transférée au camp de transit de Beni Messous en 1958, et ensuite expulsée d'Algérie (sans doute parce qu'elle était française).
Elle rejoint alors Jean Melki, son mari, à Tunis.
Elle travaille comme institutrice à Avignon de 1959 à 1961. Elle épouse Jean-Claude Melki en 1960 puis gagne Tunis où vit son mari et où sera publié son premier recueil : « Algérie, Capitale Alger ».
Rentrée en Algérie à l’indépendance en 1962, elle signe ses poèmes « Anna Gréki », contraction de son nom « Grégoire » et de celui de son mari « Melki ». Membre de la première Union des écrivains algériens, fondée le 28 octobre 1963.
Elle s’enthousiasme pour la construction d’une Algérie « démocratique populaire et socialiste », mais déplore rapidement le virage autoritaire du régime. Son recueil Algérie, Capitale Alger, préfacé par Mostefa Lacheraf, est publié à Tunis et Paris en juillet 1963.
Obtenant sa licence en 1965 Anna Gréki est nommée professeure de français au lycée Abdelkader d’Alger. Elle prend alors nettement position dans les débats qui sont menés autour des orientations révolutionnaires de la littérature. Elle prépare simultanément une étude sur les voyages en Orient de Lamartine, Flaubert et Nerval et commence l’écriture d’un roman.
Elle décède tragiquement à 35 ans au cours de son accouchement à Alger le 6 janvier 1966, elle laisse un second recueil : « Temps forts » qui sera publié par "Présence africaine".
"Même en hiver le jour n’était qu’un verger doux
Quand le col du Guerza s’engorgeait sous la neige
Les grenades n’étaient alors que des fruits - seule
Leur peau de cuir saignait sous les gourmandises
On se cachait dans le maquis crépu pour rire
Seulement. Les fusils ne fouillaient que gibier.
Et si la montagne granitique sautait
A la dynamite, c’était l’instituteur
Mon père creusant la route à sa Citroën.
Aucune des maisons n’avait besoin de portes
Puisque les visages s’ouvraient dans les visages.
Et les voisins épars, simplement voisinaient.
La nuit n’existait pas puisque l’on y dormait.
C’était dans les Aurès..."
Extrait de "Même en hiver"...
 
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8 mars 2023 3 08 /03 /mars /2023 07:47
Rose Zehner , militante CGTU , membre du PCF . Photographie prise en mars 1938 par Willy Ronis dans l’atelier de sellerie des Usines Citroën , Quai de Javel , à Paris

Rose Zehner , militante CGTU , membre du PCF . Photographie prise en mars 1938 par Willy Ronis dans l’atelier de sellerie des Usines Citroën , Quai de Javel , à Paris

Exposition Willy Ronis, au Musée de Pont-Aven.

Samedi 6 mai, à partir de 10h:

Dans le cadre de ses sessions de formation et d'éducation populaire autour de l'art et de ses enjeux politiques et sociaux, le PCF Finistère organise deux visites commentées d'une heure de l'exposition Willy Ronis à la suite, de 10h15 à 11h15 puis de 11h15 à 12h15 pour deux groupes constitués de 20 personnes maximum, soit 40 places en tout.

Réception des inscriptions: papin.sylviane@orange.fr

Cette visite de l'exposition Willy Ronis sera suivie par une Conférence de Renaud Faroux au port de Brigneau à Moëlan sur Mer

Renaud Faroux notre conférencier historien et critique d'art préféré nous éclairera sur les thèmes Photographie et Humanisme - Les communistes et la photographie - la photographie dans les journaux progressistes et communistes: Regard, Vu, Ce Soir, L'Humanité...

Chacun amène son pique-nique et on partagera.

Pour l'inscription il faudra préciser impérativement l'heure choisie pour la visite guidée à Pont Aven

 

Photographie de 1936, photo de Willy Ronis exposée à Pont-Aven

Photographie de 1936, photo de Willy Ronis exposée à Pont-Aven

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5 mars 2023 7 05 /03 /mars /2023 08:24
Alberto Moravia et Elsa Morante à Capri dans les années 1940.

Alberto Moravia et Elsa Morante à Capri dans les années 1940.

Moravia -
L'homme nu et autres poèmes (Flammarion)
 
Qui me rendra
l'odeur
enivrante
et suffocante
des petites roses blanches
entre les piquets
des grilles
des jardins
de mai?
 
Comparaison - Moravia
 
La vie est comme une boule
de mercure
elle se divise
se fragmente
se pulvérise
sous le pouce
de la pensée
et puis se reforme
boule liquide
si lourde
d'angoisse.
 
Alberto Moravia (1907-1990)
Alberto Moravia, nom de plume d'Alberto Pincherle, naît dans un quartier aisé de Rome le 28 novembre 1907 d'un père, architecte d'origine vénitienne et de confession juive, et d'une mère catholique d'origine dalmate dans une famille de quatre enfants.
Tout jeune, il est en partie élevé par une gouvernante française.
Il dit avoir fait à neuf ans le choix de la littérature, comme "une vocation", "un besoin physiologique".
À l'âge de neuf ans, il est atteint de tuberculose osseuse, ce qui l'immobilise pendant huit années et l'empêche de suivre ses études. Il séjourne dans des sanatoriums durant deux ans. Cela lui laissera de profondes séquelles. Durant cette période, il lit Shakespeare, Molière, Goldoni, Marcel Proust, Arthur Rimbaud, Dostoïevski.
Il n'a que 19 ans, lorsque Les Indifférents, son premier roman, connaît un succès critique qui marque l’entrée fracassante d’Alberto Moravia, qui s’est entre-temps trouvé un nom de plume, sur la scène intellectuelle et littéraire italienne.
Il écrit Les Indifférents dans le sanatorium de Bressanone, au nord de l'Italie. L'ouvrage est publié à compte d'auteur. Il s'agit d'un roman existentialiste avant la lettre qui restera la référence idéologique et littéraire la plus marquante de l'œuvre de Moravia. Le livre obtient un succès de scandale en raison de l'âpre description désenchantée de la bourgeoisie romaine. À partir de ce succès, l'auteur écrit avec une « régularité bureaucratique » une œuvre abondante.
En 1927, Moravia rencontre Corrado Alvaro et Massimo Bontempelli.
Il commence sa carrière de journaliste au magazine 900.
À partir de 1930, il séjourne à Londres, Paris, New York et visite la Chine, la Grèce, l'Allemagne et le Mexique. Il voyage pour échapper, dit-il, à l'atmosphère étouffante du fascisme. En Italie, il signe des articles de presse (journaux et revues). Son net antifascisme le rend suspect et les origines juives de son père contribuent à la précarité de sa situation.
Durant l'écriture de son deuxième roman, d'une durée de six années, il lit Karl Marx et Sigmund Freud.
En 1941, Moravia épouse Elsa Morante, qu'il quittera en 1962. Peu après son divorce, il partage sa vie avec Dacia Maraini. Toutes deux sont des femmes de lettres.
Recherché par les fascistes à partir de 1943, Moravia s'enfuit de Rome et se réfugie dans les montagnes de la ville de Fondi, au nord de Naples où il séjournera neuf mois.
En mai 1944, Alberto Moravia retourne à Rome et commence à collaborer avec Corrado Alvaro, écrivant pour des journaux italiens de premier plan comme Il Mondo et Il Corriere della Sera, pour lequel il continuera à écrire jusqu'à sa mort.
C'est le succès de La Romana (1947) qui lui apporte une certaine aisance matérielle et la consécration par la critique. Ces œuvres sont mises à l'Index en 1952. Avec Alberto Carocci, il lance la revue Nuovi Argomenti en 1953, une des plus importantes revues littéraires de l'après-guerre. Pier Paolo Pasolini les rejoindra plus tard.
Entre 1959 et 1962 Moravia est président du PEN International.
Moravia est l'auteur de plusieurs essais sur l'Afrique, la Chine, l'URSS. C'est un compagnon de route du Parti communiste même s'il n'a jamais adhéré formellement au PCI.
Moravia est un grand ami de Pasolini, le poète, cinéaste et intellectuel marxiste, communiste, d'origine bourgeoise et "libertin" comme lui, tué le 2 novembre 1975 sur la plage d'Ostie à Rome.
En 1984, Moravia est élu au Parlement européen, représentant le Parti communiste italien.
Cette expérience, qui s'achève en 1988, est contée dans Il Diario Europeo (The European Diary). En 1986, peu après la mort d'Elsa Morante en novembre 1985, il épouse Carmen Llera à qui est dédicacé son recueil de nouvelles La Chose.
 
Plusieurs romans de Moravia sont adaptés au cinéma:
La Provinciale de Mario Soldati (1953) et La Belle Romaine de Luigi Zampa (1954), tous deux avec Gina Lollobrigida, "Le conformiste" de Bertolucci (1970, avec Jean-Louis Trintignant: le thème principal de ce film : la bourgeoisie italienne, qu'il situe dans les années 1930 et qu'il associe à la mentalité fasciste), Le Mépris (1963) de Jean-Luc Godard avec Michel Piccoli et Brigitte Bardot adapté de son roman de 1954.
 
L'œuvre d'Alberto Moravia dissèque souvent les rapports amoureux, sexuels ou non, charnels ou spirituels, en fouillant de manière distanciée la psychologie de ses personnages.
Jouant avec les conventions sociales et leur influence sur les sentiments, ses livres questionnent volontiers la société et le couple dans leurs rapports (Le Mépris, L'Ennui, L'Amour conjugal, La Femme léopard).
La matière parfois scabreuse de ses romans et de ses nouvelles est moins superficielle que le succès à scandale qu'elle a souvent entraîné : les personnages velléitaires de cette œuvre sont les produits d'une crise de la société bourgeoise, puritaine et fasciste, que Moravia regarde d'un œil impitoyable, mais non dépourvu de complaisance littéraire.
Il a été nommé 15 fois pour le Prix Nobel de littérature entre 1949 et 1965.
Plusieurs de ses romans ont été adaptés au cinéma.
Le Mépris est classé 48e dans le classement des Cent livres du siècle réalisé par le journal le Monde.
 
 
 
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5 mars 2023 7 05 /03 /mars /2023 08:21
Communist'Art: Italo Calvino (1923-1985)
Crâne - Italo Calvino
 
Dans votre petit crâne
est enfermée une guêpe
folle furieuse
qui grille et vrombit.
Mon crâne est ouvert
battu par le vent.
Ô vent combien de pensées
apportes-tu en moi et en chasses-tu
rapide à tout moment,
Ô vent.
Ô pluie, je suis sans
couvercle
et ma tête est une conque.
Tu la laves et débordes.
Ô pluie.
J’ai la tête pleine de pluie
et de vent et de soleil et de mer.
Ô vent.
Si tu pouvais suspendre une pensée.
Si tu pouvais la suspendre un moment.
Ô vent.
Mais mon crâne est sans paroi
C’est le monde.
Dans votre petit crâne
il n’y a de la place
que pour une guêpe méchante
folle furieuse
qui vrombit
et se cogne la tête
contre les parois aveugles.
 
Poème de jeunesse d'Italo Calvino (1942) - Cairn Info
 
***
 
Peuple, un jour tu accrocheras tes mains
lasses aux grilles, dans un vrombissement de ruche.
Tu te répandras, flot émacié,
allégées les digues de la longue injure.
Une armée en guenilles sans défense
en pavois de deuils, de déchirures et de bandes
avancera à la reconquête tardive
du bien perdu toutes ces années de patience.
Je ne sais d’où, tremblant,
hommes, je suivrai votre rachat.
Avec des cris ou muet j’inciterai à la furie ;
ou s’il suffira encore à votre débandade
d’entendre le pas d’un patron ou de ses sbires,
hommes, je ne regarderai plus vos yeux,
vils comme les miens sont vils.
 
Italo Calvino - Écrit sous terre, Le 11-12-44
Publié par Cairn Info
 
Italo Calvino (1923, Santiago de las Vegas à Cuba - 1985, Sienne, Toscane)
Italo Calvino naît à Cuba où son père Mario (1875-1951), d'origine ligurienne, travaille comme agronome, et sa mère Eva Mameli Calvino (1886-1978), native de Sardaigne, est biologiste. En 1925, la famille rentre en Italie, alors mussolinienne, où le jeune Italo grandit (à Sanremo) et reçoit une éducation laïque et antifasciste.
Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, il interrompt ses études d'agronomie ; en 1943, il rejoint la résistance communiste en Ligurie et les partisans des brigades Garibaldi. En 1945, il se retrouve à Turin où il participe à plusieurs journaux. Il travaille pour l’imprimerie turinoise qui publie L’Unita (le quotidien officiel du parti communiste italien) entre 1948 et 1949 et milite au Parti communiste italien. Italo Calvino entreprend des études de lettres qu'il conclut par un mémoire de littérature anglaise sur Joseph Conrad. À cette époque, il fait la connaissance de Cesare Pavese qui l'encourage à écrire et qui parle d'Italo Calvino dans son journal intime "Le Métier de Vivre".
En 1947, il publie son premier roman, Le Sentier des nids d'araignées, qui évoque son expérience de résistant. L'œuvre rencontre un certain succès. En 1949 paraît Le Corbeau vient le dernier. Ces deux œuvres naissent dans l'atmosphère néoréaliste. En 1952, sur les conseils de son éditeur, il abandonne sa manière néo-réaliste pour se tourner vers le conte fantastique, à travers Le Vicomte pourfendu qui formera, avec Le Baron perché et Le Chevalier inexistant, la célèbre trilogie Nos ancêtres, vision allégorique de la condition humaine moderne.
Entre 1950 et 1956, il entreprend la compilation et la traduction des Contes populaires italiens à partir de contes folkloriques du XIXe siècle.
Après l'invasion de la Hongrie par les troupes soviétiques en 1956, Calvino quitte le parti communiste comme des centaines d'intellectuels.
Il défend néanmoins en 1957 "La Chute de Berlin", le film sur l’armée rouge pendant la deuxième guerre mondiale réalisé par Michail Ciaureli.
En 1968, Italo Calvino est à Paris pour participer aux évènements du « Joli Mai » (à ce sujet, il nous laissa d’ailleurs un lettre magnifique, relativement peu connue, mais qui vaut la peine d’être citée : « nous vivons les derniers jours de cette ville extraordinaire sans voitures et sans métro, avec les files d’attentes devant les magasins, et les discours de De Gaulle, avec les klaxons de ses soutiens qui essaient de pénétrer le Quartier Latin mais qui se font refouler; la Sorbonne ressemble à une forteresse assiégée, avec les militants prêts au combat et les jeunes qui craignent le pire et insultent le Parti Communiste. Des nuits durant lesquelles vous ne faites rien si ce n’est marcher parmi les alarmes qui ne cessent jamais, dans un climat d’excitation continue. […] Il me semble que quelque chose est véritablement en train de changer en Europe. Sans aucun doute c’est un pas vers l’organisation d’une nouvelle force révolutionnaire soutenue par la classe ouvrière, alors qu’à ce moment précis la voie prise par les partis communistes est irréversible, comme le fut celle des démocraties sociales à la veille de la première guerre mondiale. La question de savoir à quel point la réaction au mouvement va progressivement s’orienter vers le fascisme ne semble pas inquiéter les jeunes révolutionnaires : et qui sait, peut-être ont-ils raison, car nous vivons une époque tellement différente de notre passé, et les choses ne sont jamais comme nous les avions présagées »).
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26 décembre 2022 1 26 /12 /décembre /2022 07:04
Aragon: Un monde habité par le chant - Clément Garcia, L'Humanité, 23 décembre 2022
Aragon : Un monde habité par le chant

La poésie d’Aragon s’est rendue populaire grâce à des musiciens qui ont brodé sur ses vers des mélodies impérissables. « Une forme supérieure de critique » pour le poète. Et une histoire toujours vivante.

Publié le Vendredi 23 Décembre 2022

De chant, il est largement question dans l’œuvre d’Aragon. Pourtant, et contrairement à bon nombre de ses contemporains, le poète n’a jamais versifié pour la chanson. Comme pour s’indigner du paradoxe, les chansonniers ont en retour mis en musique son œuvre avec une constance admirable. Entre « la voix Ferrat, la voix Ferré », se sont frayés quantité de chemins de traverse. Hélène Martin, Georges Brassens, Lino Léonardi, Marc Robine, pour en rester là, ont composé sur ses vers des mélodies entonnées par des interprètes fameux : Jacques Douai, Monique Morelli, Marc Ogeret, Francesca Solleville et tant d’autres. Une somme qui permet à l’œuvre d’Aragon de continuer à vivre dans la mémoire populaire. « La mise en chanson d’un poème est à mes yeux une forme supérieure de critique poétique, écrivait Aragon. Même si ce n’est pas tout ce que j’ai dit ou voulu dire, c’en est une ombre dansante, un reflet fantastique, et j’aime ce théâtre qui est fait de moi. » Aujourd’hui encore, il n’est pas rare qu’un jeune musicien se prenne au jeu du « reflet fantastique ». Comment expliquer pareille permanence ?

Léo Ferré note que « ce qu’Aragon déploie dans la phrase poétique n’a besoin d’aucun support, bien sûr, mais la matière même de son langage est faite pour la mise sur le métier des sons ». Le chanteur anarchiste relève ici ce qui apparaît comme une évolution formelle commandée par la politique. Dans son ouvrage Aragon et la chanson (Textuel, 2007), Nathalie Piégay-Gros relève que, « dès la fin des années 1930 puis de manière décisive pendant les années de guerre, Aragon renoue avec une ancienne tradition littéraire française : il s’agit de montrer la continuité de la culture française et d’affirmer qu’elle est prête à résister à l’occupation (…). En puisant dans la tradition du “chant” français, Aragon entend prolonger la veine épique qui a tissé une identité et forgé une langue ». Cette reconnexion au patrimoine littéraire se manifeste par une attention apportée à la rime comme à la cadence des vers, de manière à être retenus, lus et chantés. Georges Auric comme Francis Poulenc prendront la balle au bond, le premier avec la Rose et le Réséda et le second en composant, si l’on peut dire, le premier tube sur un texte d’Aragon avec C. Le poète ne se départira plus de cette manière épique perceptible dans le Roman inachevé comme le Fou d’Elsa, abondamment butinés par Ferré et Ferrat.

Le groupe Feu ! Chatterton perpétue la tradition dans son album ­ l’Oiseleur (2018) avec une composition originale du prodige Samy Osta sur le poème Zone libre, tiré du recueil résistant le Crève-cœur. Le groupe clôt également ses concerts en reprenant l’Affiche rouge. « Avec ­l’Affiche rouge, l’intime et le politique s’embrassent avec une puissance prodigieuse », confiaient-ils à l’Humanité. La chanteuse Véronique Pestel dédie un spectacle à Aragon avec des mélodies nouvelles, quand Thomas et Jacques Dutronc viennent de publier Aragon, morceau qui reprend les vers du poème Bierstube Magie allemande et sa lancinante question : « Est-ce ainsi que les hommes vivent ? » Quelques mois plus tôt, le rockeur Axel Bauer s’inspirait des mêmes vers dans un album dédié à son père résistant.

L’auteur-compositeur Florent Marchet s’est distingué en composant la musique de tout un spectacle sur divers poèmes d’Aragon clamés par le comédien Patrick Mille. Dans la revue Hexagone, il explique : « La poésie d’Aragon a une dimension intemporelle (…). Nous avons aussi besoin de l’esprit de résistance qu’il véhicule. L’époque n’est plus la même mais il y a un engagement qui est tout autant nécessaire. » Lyrique, épique et politique, le mariage de la musique et du texte aragonien a encore de beaux jours devant lui.

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