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3 octobre 2021 7 03 /10 /octobre /2021 17:18
Quand Giacometti sculptait Rol Tanguy (Maurice Ullrich, L'Humanité, 1er octobre 2021)

Lire aussi:

Giacometti, forçat de l'art - à propos de la biographie de Catherine Grenier - Sabine Gignoux, dans La Croix, 16 février 2018

 

Giacometti et Rol Tanguy

Au moment de la Libération, l’artiste crée, à l’initiative de Louis Aragon, une série de portraits d’Henri Tanguy (1908-2002), dit Colonel Rol-Tanguy, militant communiste et héros de la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale : chef des Forces Françaises de l’Intérieur de la région Île-de-France en 1943, il mène la Libération de Paris avant l'arrivée des blindés du général Leclerc. 

 Sa sensibilité de gauche antifasciste, ses liens avec les différentes mouvances du surréalisme et avec l’Association des Écrivains et Artistes Révolutionnaires seront ainsi rappelés par la série de six dessins politiques exécutés vers 1932 par le sculpteur, qui déclare alors dans une lettre à Breton : « Je ne conçois pas la poésie et l’art sans sujet. J’ai fait pour ma part des dessins pour La Lutte, dessins à sujet immédiat et je pense continuer, je ferai dans ce sens tout ce que je peux qui puisse servir dans la lutte de classes ». 

D’après Alberto Giacometti lui-même, les séances de pose avec Rol-Tanguy furent un moment fort dans les rencontres faites après son retour à Paris après la guerre : « Il n’a rien à faire avec le type du militaire, l’allure des jeunes généraux de Napoléon, il est très vif et intelligent, nous parlons de livres de guerre, etc. » 

(Fondation Giacometti)

 

Un document exceptionnel: Entretiens sur l'art actuel: Marie-Thérèse Maugis avec Alberto Giacometti

 

LES LETTRES françaises (n°1041, du 6 août au 19 août 1964)

Fondées en 1942 par Jacques Decour (fusillé par les nazis)

Directeur: Aragon

 
ALBERTO GIACOMETTI: "Moi, je suis à contre courant..."

Marie-Thérèse Maugis: Giacometti, pensez-vous que ce que représente sûrement une époque est son art?

Alberto Giacometti: Bien sûr. Que reste t-il de la préhistoire sinon des œuvres d'art? Que reste t-il de l'Egypte sinon des œuvres d'art? Dès que les peuples possèdent une écriture, il reste aussi une écriture... Si on parle de la Grèce, il y a la philosophie, la poésie et l'art. L'art est toujours l'expression de son époque.

Marie-Thérèse Maugis: Mais la connaissance que l'on a actuellement de l'art n'est-elle pas particulièrement développée?

Alberto Giacometti: Bien sûr aussi. A travers la photo et les voyages, on connaît tout l'art depuis toujours. Les impressionnistes, Cézanne, avaient une connaissance de l'art qui commençait avec la Renaissance. Pour eux, le reste, c'était l'archéologie. Pour les Vénitiens, pour les Flamands, l'art byzantin était à peine de l'art. Aujourd'hui, on possède une vision différente: on connait l'art nègre, l'art océanien, l'art préhistorique, etc... On sait qu'il subsiste des œuvres d'art de toute civilisation. On sait faire la différence entre une sculpture grecque et un chariot grec... Si une sculpture de n'importe quelle civilisation disparaît momentanément, elle peut resurgir et influencer l'art actuel. C'est ce qui s'est passé pour l'art archaïque il y a vingt ans. Ce n'est pas le même processus pour les objets: la voiture moderne abolit le char traîné par un cheval. Or, une oeuvre d'art, elle, n'est jamais dépassée. Dans ce domaine, on ne peut pas parler de progrès... Dire quel art aujourd'hui est l'expression de notre époque est bien difficile... Il y a des peintres qui reproduisent le Moulin-Rouge ou la place Saint-Marc, d'autres qui font des paysages de Bretagne ou des bouquets de roses, il y a des abstraits, des constructivistes, des tachistes, des sous-impressionnistes, des post-impressionnistes, tout cela a l'air contraire, à vrai dire tous sont l'expression de notre époque...

Marie-Thérèse Maugis: Pensez-vous que la multiplicité des expressions dites artistiques entraîne un intérêt plus grand pour ces activités?

Alberto Giacometti: Actuellement, ça va très mal. Les arts aujourd'hui deviennent de plus en plus informels. Il y a le pop'art en outre. Il y a aussi tous ceux qui exposent à la Palette, ceux qu'on appelle peinards et qui de nouveau plaisent à une certaine bourgeoisie rétrograde. Il y a l'art officiel aussi qui est l'art d'avant-garde. Mais depuis les cubistes, une très petite partie de la civilisation s'intéresse à l'art. Le reste s'intéresse aux cartes postales. Pour l'énorme majorité des gens l'art est bel et bien la télévision, le cinéma, une poupée, les affiches, les objets publicitaires, tout ce qui justement n'est pas considéré comme de l'art... J'ai fait partie du jury de la Biennale des Jeunes et je ne sais pas si vous vous souvenez qu'il y avait un Italien qui avait fait un tableau tout rouge. Bon. Deux ouvriers qui découpaient des planches là étaient stupéfaits. C'était une rigolade pour eux de voir des gens sérieux considérer ce tableau rouge et le juger... Lorsque Schoëffer fait des objets lumineux qui tournent, c'est bien dépassé, un juxe box en donne autant et davantage, c'est lumineux, c'est amusant, ça bouge. C'est je crois ce qui explique l'intérêt pour le pop'art. Le pop'art est plus intéressant pour le public que des taches sur une toile. Il met en valeur les affiches, les photos. Mais vous croyez que Rauschenberg peut continuer à coller des Kennedy sur une toile? Vous avez remarqué que le pop'art rejoint tout à coup le réalisme soviétique. A part le sujet, il n'y a qu'un pas d'écart. Vous allez voir les russes évoluer aussi... Il y a deux ans, un mouvement s'est amorcé avec la poésie. Vous allez voir faire des photos-montage d'ici peu...

Marie-Thérèse Maugis: Croyez-vous que ce bouillonnement d'activité artistique ou para-artistique soit une spécialité de notre temps?

Alberto Giacometti: L'art a toujours avancé à grande vitesse. Dans la sculpture égyptienne qui semble immobile pendant trois ou quatre millénaires, il est possible de distinguer des époques malgré la rigidité apparente des formes, on note un renouvellement extraordinaire de 50 ans en 50 ans. A l'inverse, on fait aujourd'hui comme s'il y avait un gouffre énorme entre les tableaux dévalorisés de La Palette, et les cubistes et l'art moderne. Ils sont beaucoup plus proches qu'on le croit... Par exemple, la vision des couleurs reste impressionniste. Les peintres n'ont pas fait un pas au-delà. Ils accordent tous une suprématie énorme à la couleur et donc mettent en couleurs.. Quant à moi, je regarde rigoureusement avec le même intérêt le tableau le plus pompier accroché dans un restaurant qu'une toile de ceux qu'on appelle les grands peintres d'aujourd'hui!

Marie-Thérèse Maugis: Vous pensez qu'ils appartiennent au même domaine de l'art?

Alberto Giacometti: Bien sûr qu'on doit limiter les domaines... Un vase, aussi beau qu'il soit, n'est pas une sculpture: c'est un objet. C'est un autre domaine. Ce vase ne se réfère qu'à lui-même. Mais quand on amène une peinture à ne présenter qu'elle-même, tôt ou tard elle disparaît. Lorsque Duchamp exposait une chaise, pour lui l'art était fini... (...)

Marie-Thérèse Maugis: Mais vous, Giacometti, qui peignez et sculptez des visages, des êtres vivants dont l'image vous poursuit, avez-vous le sentiment de représenter notre époque?

Alberto Giacometti: Pour moi, le problème est différent. J'ai commencé très jeune à faire des dessins et des sculptures parce que mon père était peintre. Je ne saurai jamais si je serais devenu ce que je suis, si j'aurais fait ce que je fais, si mon père n'avait pas été peintre. On en revient au problème du milieu, de la classe. Mais je n'ai jamais voulu faire de la peinture une profession.

Jusque dans ma jeunesse l'art c'était forcément la présentation du monde extérieur ou de quelque chose en tout cas. Il y a deux filons dans l'art. Soit tâcher de rendre le monde extérieur tel qu'on le voit, soit raconter des histoires... Et cela depuis toujours. Et ces deux filons sont aussi valables l'un que l'autre. Chez Rembrandt, un portrait qui est une image la plus fidèle, la plus ressemblante est tout aussi valable que les illustrations pour l'Ancien Testament. Rousseau qui faisait des forêts tropicales avec des singes est aussi valable que Matisse qui faisait le portrait de sa fille. Ces deux courants sont toujours valables. Ceux qui poussent leurs recherches uniquement d'un côté sont rares. Chardin, lui, à travers ses natures mortes, ne poursuit que la représentation la plus proche possible de la réalité. Delacroix ou Géricault sont déjà doubles. L'un peut peindre le "Radeau de la Meduse" ou faire le portrait d'une folle. Ces deux directions se continuent jusqu'à Picasso qui peut exécuter le portrait d'une personne précise ou représenter des scènes qui s'approchent de la mythologie. Je le répète: une direction vaut l'autre. Les impressionnistes, dans l'ensemble, restent uniquement orientés sur la vision du monde extérieur.

Marie-Thérèse Maugis: Mais vous, dans quel courant vous situez-vous?

Alberto Giacometti: Jusqu'en 1925, malgré mon intérêt pour l'art moderne, ce qui m'intéressait, c'était la vision du monde extérieur, strictement, au plus proche possible. En 1925, je me suis rendu compte qu'il m'était impossible de reproduire une tête. Influencé par l'art moderne, j'ai subi une évolution. J'ai été successivement exotique, surréaliste, abstrait... En 1935, ayant tout oublié, j'ai éprouvé de nouveau le besoin de faire des études d'après nature: je suis revenu à des travaux d'essai. Le problème pour moi est de savoir pourquoi il m'est impossible de faire ce que je veux faire. J'essaie tous les soirs de faire une tête et je n'y arrive pas. Tous les soirs, je tente de savoir ce que je vois et pourquoi je n'arrive pas à le représenter.

Une fois de plus, dans une certaine société, on ne me laisserait pas ces loisirs-là. Je ne travaille pas pour communiquer quelque chose aux autres, mais pour savoir si je pourrai un jour faire de la sculpture ou de la peinture. Ce que je fais est probablement périmé d'avance. Je ne suis pas sûr qu'il y ait un avenir dans la sculpture de cette façon là. Mais si je copie un modèle comme je le fais, même si je suis à côté, et étant donné que j'ai la possibilité de le faire, c'est pour la curiosité de savoir ce que je vois à travers une tête. Je suis obligé de faire la sculpture ou la peinture pour savoir ce que je vois. Je ne pense pas être ainsi l'expression de notre époque. Je ne peux même pas le dire...

Marie-Thérèse Maugis: Ces visages que vous copiez sans fin ne sont pas anonymes. Ils ne peuvent que vous donner, à travers eux-mêmes, une connaissance du monde actuel...

Alberto Giacometti: Sans doute, mais un visage vaut n'importe quel autre visage. Ceux que je peins sont choisis au hasard des rencontres. N'importe quel visage est bon. Et moi immobile devant un visage immobile, cherchant à savoir ce que je vois, cela pourrait se passer à n'importe quelle époque non? Entre votre tête devant ce mur et celles de la Préhistoire, il n'y a probablement aucune différence. La relation entre ce qui caractérise une époque et une autre est plutôt précaire. Moi je suis tout à fait à contre-courant. Je suis un des seuls qui ne s'essaye qu'à copier. Et ce que je copie est ce petit résidu qui me reste conscient à travers la vue. Copier est la chose la plus bébête du monde, copier un verre par exemple: il n'y a rien de plus difficile. D'ailleurs c'est impossible. Cézanne a dit à peu près, copier la nature c'est impossible on ne peut que l'interpréter. Cela ne l'a pas empêché de la copier jusqu'à sa mort... Comme je sais que je n'arriverai jamais à copier la tête comme je la vois, ça a l'air d'une aberration d'insister, ça l'est probablement d'ailleurs. C'est même une absurdité totale ce que j'essaye de faire. Ainsi il m'est impossible d'imaginer ce que serait un tableau fini et c'est en quoi je suis à contre-courant des autres peintres de l'art moderne qui finissent toujours leurs tableaux, et même dans une journée. Je sais que je peux travailler toute ma vie un tableau sans le terminer jamais. Et en admettant que je vive 300 ou 400 ans, je n'arriverai jamais à l'achever.

(...).

Avez-vous déjà vu des tableaux parfaits? Moi je n'en ai jamais vu. C'est une des caractéristiques de l'art d'ailleurs. Une hélice d'avion, pour fonctionner doit être parfaite, un verre à vin pour être utilisable ne doit pas être ébréché. Par contre, une oeuvre d'art n'est toujours qu'une vision partielle du monde extérieur, toujours précaire aussi. En peinture, en sculpture, ou en poésie, il ne peut y avoir de perfection. C'est cela qui fait leur intérêt, leur virulence, ou leur violence. Je vous l'ai dit mais les mauvais tableaux d'un peintre m'intéressent autant que les bons. Il n'y a pas pour moi de différence. De toute manière, on exagère l'importance que l'on donne à l'Art avec un grand "A". La majorité des vivants s'en passe royalement.

(...).

Mais oui, l'art n'est plus une nécessité. Les peintures vont directement de l'atelier au musée. C'est bien précaire comme parcours non? Et le petit cheval blanc publicitaire du whisky Withe est plus une nécessité que les œuvres d'art des grands artistes. Moi-même je ne me considère pas plus utile à la société que le petit bricoleur passionné dans son coin. Je ne donne pas une telle importance à ma peinture. Tout m'intéresse mais on ne fait bien les choses qu'en se limitant à l'extrême. Que ce que je fais serve ou non, c'est le dernier de mes soucis. C'est là aussi que j'ai une position opposée à celle des peintres actuels qui estiment avoir un rôle dans la société. Je suis aussi contre le chômage aux artistes: on ne fait de l'art qu'à ses risques et périls et je sais aussi que la société se passe largement de ce que je fais".

Alberto Giacometti: Les Lettres françaises, août 1964

Alberto Giacometti: Les Lettres françaises, août 1964

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25 octobre 2020 7 25 /10 /octobre /2020 08:25
La mort de Danielle Casanova - Boris Taslitzky - 1950

La mort de Danielle Casanova - Boris Taslitzky - 1950

" Dans La Mort de Danielle Casanova, Taslitzky met en place une composition simple et claire marquée par la symétrie des personnages. L'éclairage est contrasté en accord avec le caractère funèbre de la scène. L'oblique du corps de la jeune femme barre le tableau et exprime avec force et clarté l'idée d'un cadavre. Le blanc du manteau de cette nouvelle Marie contraste avec l'ensemble du déco sombre et brun et les détenus aux visages livides. La grande spiritualité de la scène est due à la clarté de l'héroïne qui se détache face aux tristes costumes rayés de tous les autres prisonniers du camp dont le recueillement est particulièrement émouvant. La composition du tableau souligne l'équilibre entre cette vision déchirante et le sens de la transcendance qui place par sa mort cette jeune communiste au niveau d'une martyre." (libres comme l'art, 100 ans d'histoire entre les artistes et le PCF, Yolande Rasle - Renaud Faroux, 2020)

Née le 9 janvier 1909, la Corse Danielle Casanova, membre des JC depuis 1928, meurt à l’âge de 34 ans, le 10 mai 1943, en déportation à Auschwitz. Ce n’est pas uniquement son martyre, sa mort à Auschwitz, qui fait sa grandeur, c’est aussi sa création et sa direction déterminée de l’Union des jeunes filles de France (UJFF), ainsi que son rôle de premier plan dans le communisme clandestin et son entrée en résistance. Le PCF honore sa mémoire en faisant d’elle, à juste titre, une héroïne nationale célébrée le jour de la fête de Jeanne d’Arc. Le tableau de Boris Taslitzky, la Mort de Danielle Casanova, peint en 1950, en est l’expression artistique, ainsi que sa présence dans le Musée Grévin d’Aragon. Charlotte Delbo en fait un personnage marquant de son œuvre. Dans le martyrologue qui s’affirme, elle est « la femme », Guy Môquet « le jeune », Gabriel Péri « l’intellectuel », Pierre Semard « le cheminot », Jean-Pierre Timbaud « le métallo ».

Autoportrait de Boris Taslitzky au crayon (décembre 1937)

Autoportrait de Boris Taslitzky au crayon (décembre 1937)

Portrait de Boris Taslitzky en 1990 (photo. I. Rollin-Royer)

Portrait de Boris Taslitzky en 1990 (photo. I. Rollin-Royer)

COMMUNIST'ART: Boris Taslitzky (1911-2005)
 Prisonniers regardant passer un mort (Camp de Buchenwald - 1944 - Technique : crayon sur papier) -   Ce dessin est assez explicite. Les visages sont vides, ils n’expriment aucune expression. Les individus, des prisonniers, regardent un mort passer devant eux comme si c’était quelque chose de banal, comme s’ils étaient habitués à cette horreur

Prisonniers regardant passer un mort (Camp de Buchenwald - 1944 - Technique : crayon sur papier) - Ce dessin est assez explicite. Les visages sont vides, ils n’expriment aucune expression. Les individus, des prisonniers, regardent un mort passer devant eux comme si c’était quelque chose de banal, comme s’ils étaient habitués à cette horreur

Le sommeil dans les box (Camp de Buchenwald - 1944 - Technique : crayon sur papier)

Le sommeil dans les box (Camp de Buchenwald - 1944 - Technique : crayon sur papier)

« Je voudrais savoir moi aussi dessiner pour les montrer dans cet enclos du crime, face à face : ces hommes, ces penseurs, ces artistes, ces savants, soldats de la noble cause de la Culture, de la Beauté, de la Civilisation, de l’Humanisme et le monstre fasciste botté, le revolver, la mitraillette ou le gourmi à la main, terrorisant, assassinant hommes et femmes et aussi des enfants seulement coupables de ne pas appartenir à la prétendue race supérieure. C’est dans ce cadre dantesque où s’affrontaient l’Esprit et la Bête que Boris Taslitzky a croqué ses immortels dessins, qui, pour un si grand nombre d’entre nous, sont et resteront éternellement bouleversants. Ces dessins projetés, ces dessins réalisés, achevés, témoignages à tout jamais irrécusables d’un drame inimaginable pour la raison humaine, dans lequel le fascisme avait projeté les descendants de l’an II, symbole de l’amour de la liberté et de l’honneur de l’homme. »

Ainsi s’exprimait en mars 1978 Marcel Paul, l’un des responsables de l’organisation clandestine au sein du camp de Buchenwald, dans un avant-propos présentant les cent-onze dessins-témoignages réalisés par Boris Taslitzky.

Julien Cain administrateur général de la Bibliothèque nationale révoqué par le gouvernement de Vichy, compagnon de lutte de Boris à Buchenwald témoignait : « Je revois ma première rencontre avec Boris Taslitzky à Buchenwald, à l’automne 1944, au premier étage du block 40, dans le lavabo ou ‘waschraum’ qui nous servait ce jour-là de lieu de réunion. Il s’agissait d’organiser parmi les Français du camp un concours de poésies, de récits en prose et de dessins. De ce concours devaient sortir des œuvres émouvantes et sincères, quelques-unes pathétiques, d’autre simplement charmantes. Le ‘Jury’ avait estimé que ce premier et timide effort vers une vie spirituelle et collective dans ce camp de mort devait être expliqué et commenté par un manifeste. Boris Taslitzky avait été chargé de le rédiger. Il le lut d’une voix à la fois timide et assurée. Il définit avec précision une sorte d’Art poétique dont les formules vigoureuses me frappèrent, et il termina en nous lançant comme un défi les vers du ‘Lancelot’ d’Aragon que je ne connaissais pas encore : Vous pouvez me frapper en voici la raison / Riez de mon silence et souillez ma figure / Je ne pratique pas le pardon des injures / Lorsque je ne dis rien c’est que j’ai mes raisons… » (...) « Depuis ce jour, j’ai revu bien souvent Boris Taslitzky. Je l’ai vu travailler. Je l’ai vu devant ses modèles, composant sans hâte des portraits de détenus, ses camarades, que son crayon approfondissait peu à peu et qu’il chargeait d’expression. Je l’ai interrogé. J’ai voulu connaître sa formation, celle de l’artiste et celle de l’homme. Et j’ai compris comment, sans l’avoir recherché peut-être, par le jeu naturel des forces qui étaient en lui, Boris Taslitzky était devenu l’incarnation même de l’artiste révolutionnaire. »

(Source: Jacky Tronel: http://prisons-cherche-midi-mauzac.com/des-camps/cent-onze-dessins-de-boris-taslitzky-faits-a-buchenwald-10459)

 

Boris Taslitzky est reconnu pour être un des très grands témoins de la déportation parmi les artistes peintres et dessinateurs. Grâce à l'organisation clandestine du camp de Buchenwald, il fit partie de la dizaine d'artistes qui put obtenir secrètement des petits crayons et du papier pour témoigner de l'enfer concentrationnaire. A Buchenwald, Taslitzky avait retrouvé le futur ministre Christian Pineau qui, lors de la libération du camp, avait acheminé ses dessins clandestins vers la France et les avait remis à Aragon, lequel les avait publiés sur le champ: "111 dessins de Boris Taslitzky faits à Buchenwald, 1944-1945", présentés par Julien Cain, La bibliothèque française, 1946.

http://www.boris-taslitzky.fr/.

Boris Taslitzky est né en 1911 de parents juifs russes émigrés après l'échec de la révolution de 1905. Son père, ingénieur, meurt pendant la première guerre mondiale. Le jeune Boris devient pupille de la nation. Il commence à peindre à l'âge de quinze ans et fréquente les académies de Montparnasse, vise le Louvre et copie les grands maîtres: Rubens, Delacroix, Géricault, Courbet. En 1928, il entre à l'Ecole des beaux-arts de Paris. En 1933, il adhère à l'AEAR, l'association des écrivains et artistes révolutionnaires dont il devient le secrétaire général de la section Peintres et Sculpteurs et en 1935, au Parti communiste français. En 1936, lors de la présentation de Quatorze juillet, pièce de Romain Rolland, il participe à l'exposition qui réunit Picasso, Léger, Matisse, Braque, Jean Lurçat, Laurens et Pignon dans le hall du théâtre de l'Alhambra. En 1937, il réalise des dessins d'illustration pour le journal communiste Ce soir d'Aragon et Jean-Richard Bloch. Il est en 1938, secrétaire général des Peintres et Sculpteurs de la Maison de la Culture de Paris.

Mobilisé à Meaux, Boris Taslitzky est fait prisonnier en juin 1940. Il s'évade en août et s'engage dans la Résistance au côté du Parti communiste clandestin et du Front national de lutte pour la libération et l'indépendance de la France. Arrêté en novembre 1941, condamné à deux ans de prison, il est transféré dans les prisons de Riom et de Mauzac, puis au centre de Saint-Sulpice-la-Pointe, et le 31 juillet 1944, déporté à Buchenwald où il parvient à faire quelque deux cents dessins qui témoignent de la vie des camps. Sa mère est déportée elle aussi et meurt au camp d'extermination d'Auschwitz.

Après-guerre, en 1946, Aragon fait éditer une centaine de ses dessins de Buchenwald. Après guerre, avec André Fougeron, Jean Vénitien et Jean Amblard, Boris Taslitzky devient un des défenseurs du réalisme socialiste en France.  En 1955, il illustre le recueil du poète breton Eugène Guillevic (né à Carnac en 1907- décédé à Paris en 1997), L'âge mûr, Eugène Guillevic qui était devenu sympathisant du Parti communiste pendant la guerre d'Espagne, puis adhérent en 1942 (il est resté adhérent communiste jusqu'en 1980).      

Dans ce tableau saisissant, visible aujourd’hui au Musée de la Résistance nationale, à Champigny-sur-Marne, le peintre et résistant communiste Boris Taslitzky immortalisait une scène de vie à la maison centrale de Riom, intitulée « La pesée » - Boris Taslitzky est arrêté par les gendarmes d’Aubusson (Creuse), le 13 novembre 1941. Il est écroué provisoirement à la maison d’arrêt de Guéret puis transféré à Clermont-Ferrand. Le 11 décembre 1941, le président du tribunal militaire le condamne à deux ans de prison et dix ans d’interdiction de droits civils, civiques et familiaux au motif qu’il « a effectué plusieurs dessins destinés à la propagande communiste ». Après son jugement, Boris est transféré à la maison centrale de Riom.

Dans ce tableau saisissant, visible aujourd’hui au Musée de la Résistance nationale, à Champigny-sur-Marne, le peintre et résistant communiste Boris Taslitzky immortalisait une scène de vie à la maison centrale de Riom, intitulée « La pesée » - Boris Taslitzky est arrêté par les gendarmes d’Aubusson (Creuse), le 13 novembre 1941. Il est écroué provisoirement à la maison d’arrêt de Guéret puis transféré à Clermont-Ferrand. Le 11 décembre 1941, le président du tribunal militaire le condamne à deux ans de prison et dix ans d’interdiction de droits civils, civiques et familiaux au motif qu’il « a effectué plusieurs dessins destinés à la propagande communiste ». Après son jugement, Boris est transféré à la maison centrale de Riom.

COMMUNIST'ART: Boris Taslitzky (1911-2005)
L'insurrection victorieuse de Buchenwald

L'insurrection victorieuse de Buchenwald

Collaboration entre Taslitzky et le poète communiste breton Eugène Guillevic

Collaboration entre Taslitzky et le poète communiste breton Eugène Guillevic

Collaboration entre le professeur de philosophie et poète Gaucheron et Boris Taslitzky: Un pommier de plein vent, 1974

Collaboration entre le professeur de philosophie et poète Gaucheron et Boris Taslitzky: Un pommier de plein vent, 1974

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