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31 mars 2011 4 31 /03 /mars /2011 15:58

Enfin des raisons de se rejouir et d'espérer!

 

Gustave Massiah est économiste et urbaniste. C'est l'un des animateurs du mouvement alter-mondialiste en France. Dans ces propos reccueillis par Denis Sieffert et Jennifer Austruy dans le Politis n°1145, il montre dans un regard unifiant et synthétique en quoi les révolutions arabes s'inscrivent dans une nouvelle phase de la délocanisation et ont des causes économiques et sociales, et non pas seulement politiques (le ras le bol du manque de liberté d'une jeunesse éduquée) ou technologiques (les facilités de communication et d'information par delà propagande et censure qu'offre internet). Gustave Massiah s'interroge aussi sur les revendications et les prolongements possibles de ces insurrections populaires.

 

Politis: Quel regard portez-vous sur les révolutions arabes? 

 

Gustave Massiah: Ces évènements sont en rupture avec le passé et ouvrent de nouveaux possibles. La dimension nationale est déterminante, mais le fait qu'il y ait six ou sept révolutions ou insurrections -encore que le terme juste serait Intifida- montre qu'il existe également une dimension régionale et mondiale.

La dimension mondiale vient des plans de sortie de crise mis en place par les régimes dominants, qui ont généré une certaine exaspération sociale. Le niveau de vie des couches populaires, les inégalités sociales de plus en plus criantes et l'augmentation du prix des denrées alimentaires expliquent cette exaspération.

Les insurrections mettent en avant trois questions: la question sociale, la question des libertés et celle de l'indépendance. Les clans familiaux au pouvoir dans le monde arabe depuis des décennies se sont construits sur un système de rente et de corruption. Cet état de fait a entraîné récemment le refus massif du peuple de se soumettre à des oligarchies, mais a aussi créé des divisions au sein des classes dirigeantes. L'exemple le plus intéressant, c'est l'évolution du comportement des armées. Ces régimes autoritaires ont été mis en place par l'armée, mais, une fois au pouvoir, ils ont essayé de s'autonomiser et ont créé leurs propres milices. Cela permet de comprendre pourquoi, à un certain moment, l'armée a choisi de se démarquer du clan au pouvoir. Ce qui a été très clair en Tunisie et en Egypte.

Ensuite, il y a l'évolution des couches populaires. La précarisation a renforcé leur unité. Et il y a le développement de la question culturelle. Comme disait Aimé Césaire, "avant tout grand changement du monde, il y a un préalable culturel".

Dans pratiquement tous les pays du Sud, on a vu exploser le taux de scolarisation, modifiant profondément le fond culturel des couches populaires. Ce fort taux de scolarisation s'est traduit d'un côté par l'exode des cerveaux, qui ont toutefois conservé des liens avec leur société et l'ont alimentée avec toute une série d'idées et de connaissances. De l'autre côté, on a vu apparaître un phénomène massif de chômeurs diplômés. Ces derniers se sont saisis des nouveaux outils, des nouvelles cultures et des nouvelles formes de rapport entre liberté individuelle, ouverture sur le monde et nouvelles formes de fonctionnement collectif et social. Ces organisations ne sont plus celles des partis traditionnels, mais elles restent compatibles avec les anciennes structures du mouvement social, notamment le syndicalisme, comme on a pu le voir en Tunisie et en Egypte. On voit alors apparaître une réorganisation culturelle des couches populaires et de nouvelles formes de lutte des classes.

 

Politis: Que doivent faire les pays du Nord pour aider ce processus?

 

Gustave Massiah: Le grand écrivain camerounais Mongo Beti disait: "Que la France défende ses intérêts en Afrique, c'est normal, mais si la France veut aider les Africains, qu'elle les laisse tranquilles". L'idée qu'on peut aider est une idée fausse. Aujourd'hui, ce qui est déterminant dans les rapports mondiaux, c'est le refus de la recolinisation matérialisée par le contrôle des matières premières et la question de l'accaparement des terres.

D'ailleurs, ces insurrections populaires ont bien montré le rejet de régimes adoubés par l'Occident. L'Europe et les Etats-Unis avaient assigné à ces régimes quatre tâches: garantir l'accès aux matières premières (surtout énergétique), garantir les alliances militaires, comme avec Israël, contenir l'islamisme et maîtriser les flux migratoires. Ce ne sont jamais des objectifs qui vont dans le sens des intérêts des peuples du Sud.

 

Politis: Mais, tout de même, une autre politique est possible pour les pays du Nord, qui ne soit pas simplement cette gestion à courte vue des intérêts...

 

Gustave Massiah: Une autre orientation est possible dès maintenant en effet: celle de l'accès aux droits pour tous. Il faut organiser la production et les échanges autour de l'accès aux droits, et donc remettre la politique au centre de l'économie. On peut aller en ce sens d'abord en redéfinissant ce que sont les droits fondamentaux.

Il faut donner la priorité aux marchés intérieurs et réintroduire l'autonomie face au marché mondial. En favorisant les services publics.

Il ne s'agit pas de revenir à la grande opposition public/privé au sens Etat versus grand capital, mais plutôt d'explorer d'autres voies de socialisation, de contrôle citoyen et d'intervention publique sociale et collective. Sur cette question de l'accès aux droits, il peut y avoir une alliance assez large entre une partie des bourgeoisies nationales, étatiques, et les mouvements populaires. C'est d'ailleurs un peu ce qui se passe aujourd'hui dans les pays émergents.

L'accès aux droits n'est pas la sortie du capitalisme, mais ça n'empêche pas de poursuivre le débat modernisation ou dépassement du capitalisme. Jaurès disait: "Le socialisme, c'est d'abord les rapports sociaux".

 

Politis: Comment voyez-vous le développement de ces révolutions?

 

Gustave Massiah: Actuellement, elles ne sont pas en mesure de définir un programme... C'est bien entendu une transition... Je pense qu'on peut comparer ces révoltes à ce qui s'est passé en Amérique latine, il y a trente ou trente-cinq ans. Il y avait aussi des dictatures, et des mouvements populaires extrêmement puissants pour faire tomber ces dictatures. Cela s'est traduit par des nouveaux régimes un peu plus démocratiques. Les bourgeoisies nationales ont en général fini par prendre le contrôle, et elles ont mis en place des systèmes avec un peu de redistribution et beaucoup plus de croissance. Et les Etats-Unis se sont adaptés. Ils ont réussi à avoir des démocraties "sous contrôle"... On pourrait dire: ce n'est qu'une révolution bourgeoise, mais si on regarde l'Amérique latine aujourd'hui, ces démocratisations ont permis l'émergence de nouveaux mouvements sociaux. Ces mouvements se sont traduits par des régimes politiques différents selon les pays, mais il y a eu un mouvement de transformation sociale extrêmement large. Et, pour moi, c'est un peu ce qui se passe dans l'ensemble des pays du Maghreb. Cette évolution sera longue. On ne parle pas de 3 ou 4 ans, mais plutôt des 30 prochaines années.

Je pense que la double crise du néolibéralisme et du capitalisme ouvre une nouvelle phase de la décolonisation.  La première caractérisée par l'indépendance des Etats, dans les années 1960, a été cassée par le néolibéralisme en 1980, après le deuxième choc pétrolier. C'est le G8 qui a organisé la crise de la dette avec les programmes d'ajustement structurel, mettant ainsi en crise la décolonisation. Et maintenant nous sortons de cette crise et entrons dans une nouvelle phase de décolonisation qui n'est pas complètement définie. Elle passe par l'apparition des pays émergents sur la scène géopolitique: ils comptent désormais politiquement et culturellement....Elle porte non pas l'idée de l'indépendance des Etats, mais l'idée plus profonde de l'autodétermination des peuples.           

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28 mars 2011 1 28 /03 /mars /2011 07:45

 

Les élections cantonales ont marqué la défaite de la droite et de Sarkozy : les Françaises et les Français ne veulent plus de Nicolas Sarkozy et de ses amis de la finance au pouvoir, pas plus à la tête du pays que dans les départements. L'UMP n'obtient que 18,6% des suffrages exprimés au second tour et a été éliminé de nombreux cantons dès le premier tour. Il perd sa majorité dans les Pyrénées Altantiques, dans le Jura, à la Réunion, à Mayotte.  

 

Ces élections ont été marqué aussi un nouveau progrès du Front de gauche et du PCF [9% au niveau national mais près de 11% si l’on s’en tient uniquement aux cantons où nous étions présent]. Le Front de Gauche (PCF et Parti de Gauche) obtient ainsi 118 mandats de conseillers généraux en France. Sur l'ensemble des cantons au 2ème tour (y compris les cantons où il n'était pas qualifié), il réalise un score de 4,9% loin devant les 1,9% d'Europe Ecologie Les Verts qui ont eu bien moins de candidats qualifiés au second tour.  Toutefois, il est difficile de se contenter de cette situation, quand on voit que c'est essentiellement le PS à nouveau qui produit à lui seul l'essentiel des conseillers généraux de gauche, du fait du mode de scrutin très défavorable aux "petits" partis, tels que le PCF et le Parti de Gauche, Europe Ecologie Les Verts ou le Modem, que les médias (radios, télivivision, presse écrite dans une moindre mesure) ont d'ailleurs scandaleusement ignorés après les premier et second tours au profit de la création artificielle de trois forces politiquement significatives: le PS, supposé représenté à lui seul toute la gauche, l'UMP et le Front National. 

On peut aussi se féliciter du fait que le PCF soit en mesure de garder la majorité dans deux départements, le Val de Marne et l'Allier, où les socialistes s'étaient pourtant alliés aux Verts pour lui reprendre la majorité dans les conseils généraux.

Au niveau régional, nous avons la déception de perdre de justesse dans le canton de Guéméné sur Scorff (où C. Perron pour le FG a fait 48% contre le candidat UMP alors que les résultats du premier tour, avec un bon report des voix écologistes et PS, auraient dû lui donner une avance confortable) et de perdre à Lanester où le candidat du Front de Gauche fait tout de même 30% contre un divers gauche au second tour. Toutefois, comme c'est une sortante qui a été élue dans ce dernier canton, nous pouvons apprécier comme une avancée significative le résultat du Front de Gauche et sa présence au second tour.       

 

Dans le Finistère, les progrès sont sensibles: 9,33% dans les 25 cantons où nous étions présents avec 12 241 voix. Dans 4 cantons simplement, les frais de campagne des candidats du PCF-Front de Gauche ne seront pas remboursés, contre une vingtaine en 2004. A Rosporden, Marcel Tilly a même qualifié au second tour le Front de Gauche, y réalisant 32,6% contre le candidat du PS. 

Dans le canton de Saint Thégonnec, même s'ils sont derrière les candidats socialistes (71%) et Europe Ecologie Les Verts (18%), Daniel Ravasio et Maryse Berthou réalisent un bon score au premier tour de 9,90 % des voix, obtenant plus de voix malgré le fort taux d'abstention que toutes les élections précédentes. A Lanmeur, Jeremy Lainé pour le Front de Gauche, bien qu'arrivant en 4ème position, réalise un très bon score de 14%. Dans le canton de Saint Pol de Léon, malgré une campagne collective intense et les bénéfices attendus de la  dynamique nationale du Front de Gauche, nous faisons, Yvette le Bars et moi, un score assez décevant de 4,42%, sensiblement identique à celui de René Le Bars en 2004 qui obtenait tout de même beaucoup plus de voix avec un niveau de participation plus élevé. On peut l'expliquer par la tradition conservatrice du canton peu propice aux communistes, par la popularité de Jacques Edern (agriculteur divers gauche soutenu par le PS) élu par surprise contre la droite en 2004, par le désir des électeurs de gauche d'empêcher à tout prix que le canton repasse à droite, lui qui l'avait toujours été depuis l'après-guerre, par le fait que je n'étais guère connu au niveau local, et par l'accident nucléaire au Japon qui nous a peut-être empêché d'atteindre les 5% en donnant une prime au candidat écologiste qui n'a pourtant pas fait campagne quant à lui.        

 

Pour revenir à une approche globale de cette élection, le score réalisé par le Front national, en progrès de trois points par rapport aux cantonales de 2004 et présent dans 400 cantons au second tour dans une élection qui traditionnellement, lui réussit peu, du fait de la médiocrité de ses candidats et de ses forces militantes sur le plan local, confirme le danger d'une montée de l'extrême droite qui doit être pris au sérieux par les forces de gauche. Elle est le résultat d'une banalisation des idées xénophobes par la majorité présidentielle et de l'honteuse promotion médiatique dont Marine le Pen a bénéficié ces derniers mois pour accréditer sa soi-disante conversion sociale. La télécratie et le pouvoir Sarkozy, par stratégie probablement, semblent de manière plus ou moins volontaire faire progresser Marine Le Pen, qui serait un adversaire idéal de Sarkozy au second tour des présidentielles et dont les thématiques de prédilection ont le mérite de détourner l'attention des français de la domination oligarchique de la finance internationale sur les peuples et des dégâts sociaux du capitalisme mondialisé.    

Le niveau historiquement bas de la participation (45% environ) traduit aussi la défiance des millions d'électeurs à l'égard d'une vie politique dans laquelle ils ne se reconnaissent plus. Le décalage entre les urgences populaires face aux dégâts de la crise capitaliste et la nature et le niveau des réponses apportées devient insupportable. L'abstention en est la sanction retentissante. Elle doit interroger toutes les forces politiques.

 

 Ismaël Dupont (complétant un premier rapport d'entre deux tours réalisé par Daniel Ravasio).

 

 

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28 mars 2011 1 28 /03 /mars /2011 07:37

SIVOM 2   SIVOM

 

Le vendredi 25 mars en fin d'après-midi, devant de nombreux citoyens venus leur rappeler la volonté de la population et le sens de l'intérêt général, huit élus de droite siégeant au SIVOM pour suivre les mots d'ordre d'Agnès Le Brun et Gilbert Plassard,  président du Sivom de 1995 à 2008, ont décidé de faire la sourde oreille à la colère de beaucoup de morlaisiens et de saint-martinais devant le mauvais entretien des réseaux par Véolia depuis 1991, le prix élevé de l'eau et les détournements d'argent possibles que laissent présumer des bilans financiers déficitaires 18 années sur 20 précédentes. Bilans annuels peu lisibles pour les élus et vraisemblement mensongers puisque Véolia, sous la pression, se déclare capable aujourd'hui de réduire le coût de la gestion de l'eau pour la collectivité de 50% environ là où elle prétendait ne pas équilibrer ses comptes avec un prix de l'eau nettement supérieur. 
Les communistes du pays de Morlaix ont pris toute leur part dans les activités du collectif Eau publique Morlaix-StMartin et notamment dans l'organisation de cette votation citoyenne à laquelle ont participé plus de 1100 morlaisiens et saint-martinois, en se prononçant à 99% pour le retour de la gestion de l'eau en régie publique.  Nous sommes  indignés de constater qu'au nom d'a priori idéologiques en faveur d'une plus grande efficacité de la gestion des activités d'intérêt général par l'entreprise privée et le secteur marchand, d'un manque possible d'indépendance par rapport à Véolia, cette multinationale de l'eau qui a démontré sa capacité corruptrice par le passé, et d'une culture de la délégation de pouvoir, on ne tient pas compte de la voix des citoyens quand elle s'exprime aussi fortement.

SIVOM 3   SIVOM 4


Les élus du Sivom qui ont voté pour la reconduction de la délégation de service public ont refusé le débat et n'ont opposé aucun argument de fond à ceux du collectif eau publique et des élus de gauche de Saint Martin en dehors du rappel de leur légitimité d'élus et des meilleures prestations proposées par les opérateurs privées lors de l'appel d'offre, prétendument plus compétitives qu'un retour en régie publique, pourtant beaucoup plus avantageux pour la collectivité que le contrat actuel avec Véolia. Nous pensons que cet écrasement des prix annoncés par les opérateurs privés pour éviter le retour en régie publique sera de courte durée, de nouveaux avenants au contrat pouvant changer la donne dans quelques mois, et il est de toute façon difficilement compatible avec un bon entretien des réseaux pour une distribution et un assainissement de l'eau de qualité, puisqu'il s'accompagnerait d'une réduction drastique de la masse salariale et d'un maintien des exigences de rentabilité des actionnaires.

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22 mars 2011 2 22 /03 /mars /2011 09:08

Le 17 mars, la réunion des élus de Morlaix et Saint Martin des Champs a permis de clarifier un peu la situation par rapport au renouvellement de contrat pour la gestion de l'assainissement et de la distribution de l'eau à Morlaix et Saint Martin des Champs:

 

- Le PS et l'ensemble des élus de gauche ont demandé le report de la date de décision, inititialement prévue le 25 mars lors du comité syndical du SIVOM.

 

-Les élus de l'opposition de gauche (Idées et PS) à Morlaix et les élus de la majorité de gauche de Saint Martin semblent prêts à voter contre la délégation de service public même si l'offre d'au moins un des opérateurs privés sollicités pour l'appel d'offre (Véolia), en raison notamment de prévisions de "compressions" dans les "charges salariales" et donc de réduction de personnels, sont évaluées comme étant moins chères pour la collectivité (usagers et contribuables) que le coût d'un retour en régie publique.  

 

- Gilbert Plassart (élu de gauche à Saint Martin et ancien président du Sivom) développe des arguments contre la régie publique qui laissent à penser qu'il souhaite le renouvellement du contrat à un opérateur privé. Or, si lui ou le président du SIvom, Guilcher, vote contre le retour en régie publique et que tous les élus de droite font cause commune pour le privé, la délégation de service public sera renouvelée pour 8 ou 12 ans.  

 

- Des représentants du collectif eau publique Morlaix- Saint Martin des champs doivent rencontrer ce mercredi 22 mars Agnès Le Brun pour rappeler les arguments en faveur de la régie publique et les risques politiques d'un renouvellement de contrat avec le privé (enquête sur Véolia Ouest, division approfondie avec les élus de Saint Martin, désapprobation de la population).

 

Pourtant, il y a eu 1116 votants à la votation citoyenne des 18 et 19 mars 2011 et 1098 habitants de Saint Martin et Morlaix se sont prononcés pour la régie publique (2 sans opinion, 7 contre, 9 nuls), ce qui représente un fort élan de mobilisation contre la reconduction d'un contrat avec un opérateur privé et traduit le mécontentement de bon nombre d'habitants de Morlaix et Saint Martin des Champs par rapport à la gestion de Véolia.

Il faut donc être nombreux le 25 mars au Comité Syndical du SIVOM à 17 h30 à l'ancien lycée de Kernegues pour faire pression sur le comité syndical: amenez vos amis, voisins, plus nous serons nombreux, plus nous affirmerons notre volonté de changement!  

 

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20 mars 2011 7 20 /03 /mars /2011 11:26

Il y avait une quinzaine de personnes mercredi 16 mars à MAJ à 20 h30 pour participer au débat du Front de Gauche sur la situation actuelle et l'avenir souhaitable de notre démocratie.

 

Après une introduction à la réunion publique par Daniel Ravasio, Ismaël Dupont a présenté pendant trente minutes environ une réflexion sur les fondements et les origines historiques de l'idée démocratique puis Alain Rebours a commenté et argumenté pendant une trentaine de minutes également les propositions provisoires du Front de Gauche en matière de rénovation des institutions françaises à l'échéance 2012:

  • Mettre en place une assemblée constituante travaillant en parallèle d'un Parlement s'occupant des affaires courantes. Cette assemblée constituante aurait la charge de préparer une nouvelle constitution qui serait ratifiée par référendum. Nous souhaiterions que cette constitution commence par exposer dans un texte à valeur juridique contraignante quels sont les droits et les libertés individuelles fondamentaux du citoyen, y compris les droits sociaux (santé, logement, culture, éducation, travail, revenu garanti).
  • Affirmer l'existence d'une citoyenneté de résidence pour rompre avec l'alignement insidieux vers une culture du droit du sang à l'allemande, ou l'idée qu'on le pourrait être plus ou moins français, ou que l'on pourrait être destitué de sa nationalité si on a des origines étrangères et si l'on n'a pas « mérité » d'être français. Habiter en France, y payer ses impôts, devrait donner un droit de vote et d'éligibilité.
  • Réorganiser la séparation des pouvoirs:

- En redonnant sa place de conception des lois et de contrôle de l'exécutif au Parlement.

- En élisant les députés au suffrage universel direct sur des scrutins de liste à la proportionnelle.

- En faisant du gouvernement une simple émanation de la chambre des députés.

- En peut soit supprimer purement et simplement le Sénat, soit le remplacer par une sorte de chambre consultative du type « Conseil économique et social » composée de représentants du monde associatif et syndical.

- Donner au peuple le pouvoir de proposer des lois si des textes conçus par les citoyens obtiennent suffisamment d'adhésion.

- Tout en conservant le conseil constitutionnel, faire en sorte qu'il soit une émanation des différents corps de la société et non qu'il soit composé des candidats des principaux dirigeants politiques dont il doit justement contrôler la constitutionnalité des réformes et des mises en cause judiciaires.

- Soit on garde un Président de la République élu sur un autre mode de scrutin avec un pouvoir symbolique de gardien des institutions, soit l'on supprime purement et simplement le poste.

- Il faut rendre l'autorité judiciaire réellement indépendante, en augmentant le nombre de juges d'instruction, en améliorant leur formation, en leur permettant de travailler en équipes et surtout en assurant leur indépendance par rapport au Parquet contrôlé par le pouvoir exécutif.

- Garantir l'indépendance des médias pour faire en sorte, par exemple, qu'un Lagardère qui vend des armes à la France et fait pression sur elle pour qu'elle conclut des traités commerciaux avec d'autres États, ne contrôle plus à travers le groupe Hachette ¼ de la presse en France. Nécessité de lois contre la concentration des groupes médiatiques au main de quelques magnats de la finance dans une situation de demandeur et de faiseur de roi vis à vis du monde politique. Nécessité de renforcer le service public de l'information et de garantir une indépendance effective vis à vis du pouvoir.

  • Garantir un droit de pétition pouvant déboucher sur des référendums d'initiative populaire.
  • Au niveau local, tendre vers des formes de démocratie participative ou d'auto-gestion: à Bobigny par exemple, ¼ du budget est géré en Assemblée Citoyenne, notamment pour ce qui touche les travaux de voirie, et cela marche.
  • Démocratiser la vie économique et financière qui ne saurait être dissociée de la sphère strictement politique de la Cité. Remettre en cause l'argument massue de la propriété privée pour promouvoir une émancipation concrète des salariés et mettre l'entreprise au service de l'intérêt général et non au service des actionnaires. Une entreprise est faite de capital fixe mais aussi de capital variable, les salariés.

Intervention des participants à la réunion publique:

 

Alain David: Les gens considèrent que ce type de réflexion, c'est quelque chose qui les dépasse: « on n'a qu'à laisser cela aux gens qui savent ». Au moment du conflit sur les retraites, le seul argument du gouvernement était celui de la légitimité du président de la République, de la majorité parlementaire et du gouvernement issus des urnes en 2007. Or, quand je relis la constitution de la Vème République, je lis: « La souveraineté nationale appartient au peuple qui peut l'exercer à travers ses représentants ou par référendum. Aucune section du peuple ne peut prétendre la confisquer... ». La question que l'on peut se poser, c'est: est-ce que les représentants sont représentatifs? Seraient-ils représentatifs de la diversité sociale? Combien de salariés à l'Assemblée Nationale qui ne compte que 0,5% d'ouvriers? Est-ce que la diversité politique est assurée? Non, on marche à grand pas vers le bipartisme, toute tendance que la réforme des collectivités territoriales renforce et que le PS ne combat pas résolument, c'est le moins qu'on puisse dire. Il y a des arguments souvent invoqués contre un scrutin de liste à la proportionnelle pour les législatives: « on ne pourra pas voter pour des représentants que l'on connaît dans notre circonscription, cela servira les apparatchiks... On ne pourra pas même choisir ses représentants. Cela augmentera l'influence du Front National ». Mais est-ce qu'un élu du peuple est là simplement pour s'occuper simplement des intérêts d'un canton, d'une circonscription? Ce qu'il faut dire, c'est que la proportionnelle apporte une solution au problème de mixité.

A l'évidence, la légitimité du peuple est de droit, l'autre, celle de ses représentants, n'est que déléguée. Qu'est-ce qui se passe quand les choix ne coïncident pas? Il semble que pour beaucoup de socialistes et la droite, dans le débat sur la ratification du traité de Lisbonne reprenant les dispositions et les déclarations de principe rejetés par les français avec le Traité constitutionnel européen en 2005 ou dans l'application du réforme des retraites désapprouvée par 70% des français, c'est la légitimité des représentants qui prime.

Il faudrait que nous proposions un recours fréquent au référendum d'initiative populaire pour voter des lois conçus par les Parlements français ou européens, mais aussi pour proposer de nouveaux textes, de nouvelles orientations. Il faudrait instaurer l'obligation pour les élus de rendre des comptes. Il faut surtout en finir avec la confiscation du pouvoir par Sarkozy et sa clique mais aussi par une oligarchie, tant la porosité entre les milieux politiques et les milieux d'affaires est grande. S'il y a nécessité pour le peuple de retrouver sa souveraineté, cela passe d'abord et avant tout par l'encouragement à la réflexion des citoyens, c'est à dire par une information et une formation de qualité.

La démocratie, ce n'est pas que le monde politique, c'est aussi l'entreprise, la culture: c'est dans ces sphères aussi qu'il faut faire primer l'intérêt général et l'accès à l'auto-détermination des citoyens.

Il faut enfin en finir avec la culture de la délégation de pouvoir, cultivée souvent au nom d'une méfiance vis à vis de la surveillance des citoyens et de l'efficacité.

Yves Abramovicz: Dans l'intervention d'Ismaël, je regrette qu'il n'y ait pas eu de référence à des justifications philosophiques plus modernes de l'idée démocratique, car la Grèce antique, cela nous fait remonter un peu loin... Est-ce qu'avant de parler de démocratie, on ne pourrait pas d'ailleurs parler de la République, et de ses valeurs fondamentales que l'on peut voir rappelées aux frontons des mairies, sauf à Morlaix: liberté, égalité, fraternité. Il faut aussi poser le problème de la laïcité: il est nécessaire de revenir à une école vraiment libre (c'est à dire laïque) et accessible à tous. Ceux qui comme Sarkozy font référence à un gène chrétien ou à une histoire chrétienne structurant l'identité française nous paraisse aller vers une pente qui est tout sauf démocratique. La France n'est pas né de l'Eglise: la nation est née de son acte de naissance démocratique pendant la révolution, et elle est d'abord réuni par un projet plus que par un héritage. Toutes les religions et les lieux de culte doivent être traités avec la même indifférence par l'État. On assiste aujourd'hui à une remise en cause inacceptable du droit du sol: quand on demande à des gens en vue ayant des parents ou des grands-parents d'origine étrangère de prouver leur nationalité, tout le monde s'indigne, mais des citoyens ordinaires se font harceler par les préfectures à la suite des lois anti-immigration dans l'indifférence générale. La démocratie implique aussi un meilleur partage des richesses, le rétablissement des services publics qui ne doivent pas être gérés comme cela se produit beaucoup maintenant suivant les principes de gestion capitaliste, avec un but de rentabilité. Il faut aussi établir des moyens de contrôle du respect des mandats des élus. Pourquoi ne pas introduire l'obligation pour un élu d'avoir des comptes-rendus de mandats réguliers pour les électeurs? Dans le temps, on voyait ainsi des assemblées publiques sous les préaux d'école où les élus locaux avisaient la population de leurs actions de représentants du peuple et demandaient un renouvellement de confiance. Il faut aussi mettre en place des gardes-fou pour éviter les conflits d'intérêt: on peut douter de l'honnêteté d'un ministre de la santé issu de l'industrie pharmaceutique...

Daniel Ravasio: Je voudrais insister, en me basant sur mon expérience à la FSU, sur la difficulté d'accomplir le travail syndical aujourd'hui: les documents sont remis de manière tardive, on ne nous laisse pas le temps nécessaire pour bien les analyser (par exemple, pour éplucher les lignes d'un texte de conseil d'administration). Il faut aussi se poser la question des capacités concrètes des citoyens pour exercer leurs droits démocratiques.

Ismaël Dupont: On peut aussi rappeler que de plus en plus on criminalise le mouvement social et les syndicalistes, en les gardant à vue quand ils participent à des grèves dures, des séquestrations provisoires de patrons ou de cadres, et en les obligeant à s'astreindre à un fichage génétique sous peine de prison en cas de refus. Pour ce qui est de l'opposition un peu brutale de mon introduction entre une démocratie grecque faisant la part belle à la revendication d'égalité sociale et au partage du pouvoir par tous les citoyens, indépendamment des considérations de naissance, de statu social, de niveau d'éducation, face à une démocratie parlementaire et bourgeoise garantissant la liberté de l'individu plus que l'égalité et la souveraineté du peuple, elle aurait mérité d'être dépassée mais je n'ai pas voulu faire traîner trop en longueur l'exposé. Il y a bien un philosophe moderne qui justifie la démocratie radicale, le refus de la délégation de la souveraineté et l'égalité sociale comme condition de la prise en compte d'un bien commun et de l'esprit civique, c'est Rousseau...

Thomas: C'est juste, on a des lois qui nous « permettent de... » mais en réalité il existe un système qui rend difficile ou impossible l'exercice de ces droits. Cette capacité à jouir de ses droits reconnus est souvent retirée au travers de petites manipulations. Exemples que je connais bien: exemple du rachat des points retraite: une loi a été votée en 1962 du temps de de Gaulle mais son décret d'application n'est intervenu qu'en 1992. En revanche, pour retirer la double imposition des français travaillant à l'étranger, Giscard d'Estaing a fait beaucoup plus vite, car la disposition touchait de très près les intérêts des milieux d'affaires. En réalité, disposer d'une loi basée sur des principes justes n'est pas suffisant si son imprécision empêche son application concrète.

Alain David:  On peut aussi parler de la création d'une véritable caste politique dans le pays. Depuis leur sortie de l'université, des jeunes militants se préparent à être dirigeants politiques, en prenant d'abord des responsabilités dans des organisations de jeunesse, puis en se professionnalisant et étant missionnés dans un cabinet ministériel, en tant qu'attaché parlementaire ou chargé de mission pour un conseil général ou régional... Cela donne des élus vivant dans un environnement fermé, déconnectés des réalités économiques du travail et des préoccupations de « monsieur tout le monde ».

Alain Rebours : Il faut réformer le statut de l'élu pour résoudre la question de la représentation de la diversité (femmes, salariés, catégories populaires, français d'origine étrangère...). Il faut interdire le cumul des mandats, voire prôner l'existence d'un mandat électif unique. Il faut casser l'ENA qui produit la pensée unique et les relations incestueuses des responsables politiques et des patrons de grande administration et des grandes entreprises. Dans le fonctionnement interne des partis politiques, il faut rendre possible le contrôle des élus par les militants et le droit de tendance comme cela se fait à la FSU aujourd'hui, à la FEN hier, c'est à dire le droit de s'organiser à l'intérieur d'un parti de manière indépendante par rapport à la direction.

Thomas: Je voudrais vous faire partager une citation que j'ai relevé et qui me semble adapter à ce que l'on a pu dire sur le climat xénophobe et l'absence de projet social de notre démocratie actuellement: « La démocratie est en danger quand les gens se rassemblent parce qu'ils se ressemblent et non parce qu'ils se complètent ».

Yves  Abromovicz: Il faut supprimer la fonction de président de la République. A quoi sert-il? La mascarade du présidentialisme nous serait ainsi épargnée. On ne voterait plus à la tête du client et on pourrait peut-être réconcilier le citoyen avec les élections...

Ismaël Dupont: S'agissant de la question de la revendication d'un Parlement élu à la proportionnelle intégrale, on peut se demander, même si l'objectif paraît tout à fait légitime du point de vue de la représentation de la diversité d'opinions des électeurs, si cela ne nourrirait pas l'instabilité parlementaire, les manœuvres politiciennes empêchant la mise en œuvre des plans de réformes sur la durée et une influence disproportionnée des petits partis pouvant faire basculer des majorités politiques comme cela se passe en Israël avec les partis religieux ou de droite sioniste ou comme cela se passait sous la IV ème République?

Alain Rebours: Il faut se méfier de ne pas reprendre à notre compte la légende noire d'une IVème République impuissance, instable et corrompue par l'opportunisme parlementaire, nourrie par le gaullisme après 1958. En réalité, la IVème République a été capable de grandes réalisations de la même manière que sans exécutif fort, avec une représentation fidèle de la diversité politique, les institutions de la IIIème République ont pu faire face aux débuts de la première guerre mondiale avec une relative efficacité. Par ailleurs, nous aurions un débat à mener sur le jacobinisme d'une certaine gauche, sur le rapport que l'État doit avoir aux spécificités culturelles. Rappelons que ce sont des gens de gauche qui ont empêché l'intégration de Diwan dans le service public d'éducation. Faut-il considérer que la République doit être forcément assimilatrice, homogénéisante, basée sur le culte de l'unité?

 

A la fin de la réunion, un rendez-vous est pris pour mai ou juin pour une nouvelle réunion-débat du Front de Gauche pour un programme partagé et populaire pour 2012 sur la question de l'énergie.

 

Merci à tous les participants de cette réunion publique !  

PS: Compte-rendu (forcément incomplet) réalisé par Ismaël.  

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15 mars 2011 2 15 /03 /mars /2011 09:00

Pour introduire au débat du 16 mars 2011 sur le thème: quelle démocratie?

 

En 1852, Auguste Blanqui écrivait que « démocrate » était un mot « sans définition »: « Qu'est-ce qu'un démocrate, je vous prie? C'est un mot vague, banal, sans acception précise, un mot en caoutchouc ».

 

L'indétermination du signifiant « démocratique », cette polysémie du mot associée à sa valorisation spontanée fait qu'il s'accorde avec toutes les instrumentalisations idéologiques. Comme la lutte politique commence par un combat pour l'appropriation et la juste définition des mots mobilisateurs, il nous reviendra de préciser en quoi on ne peut dissocier l'attachement à la démocratie de l'aspiration à l'égalité.  

 

Hier, les communistes opposaient la démocratie réelle des démocraties populaires où le travailleur était prétendument souverain et l'individu et le citoyen en vérité écrasé par le parti-guide et la bureaucratie d'Etat à la démocratie formelle du parlementarisme et des droits de l'homme bourgeois, accordant des libertés et une égalité de papier, dissociés d'une émancipation concrètes dans la vie civile et le travail.

Aujourd'hui, on justifie des guerres impérialistes par l'exportation de la démocratie et des droits de l'individu, on transforme la démocratie participative en outil de marketing électoral pour une gauche à court d'idées, on impose l'affaiblissement de la souveraineté des Etats-nations, la dérégulation économique et la liberté du marché qui durcissent les inégalités au nom du renforcement et de la consolidation de la démocratie en Europe, et on passe outre la décision des peuples danois, français, hollandais, irlandais de ne pas avaliser les traités européens qui les dessaisissent de leur souveraineté en les faisant passer pour des imbéciles obscurantistes ayant cédé aux sirènes de la démagogie, du populisme flattant leurs bas instincts nationalistes et anti-démocratiques: votes de défiance qui traduiraient non des choix éclairés mais des pulsions contestatrices, et au final, malgré tout, un échec de la pédagogie des élites politiques et médiatiques éclairées par les experts économiques aux verdicts indiscutables.

 

On est aujourd'hui confronté à un paradoxe, qui n'est peut-être qu'apparent, celui d'une extrême valorisation de la démocratie, mais d'une démocratie sans le peuple et contre le peuple, ou du moins contre ses aspirations possibles à l'auto-détermination et à l'égalité sociale.

 

Et ce paradoxe d'une sacralisation de l'idée de démocratie se creuse quand on observe, dans les pays occidentaux, la puissance du discrédit dont sont l'objet les représentants politiques et les institutions, discrédit qui se traduit par le vote extrémiste et l'abstention, par la versatilité des choix et la dépolitisation, tout comme par un grand scepticisme de ceux qui accomplissent leur devoir civique sans croire que l'issue de l'élection changera grand chose à leur vie quotidienne, soit parce que les partis majoritaires ont renoncé à l'idée de changer structurellement la société pour la rendre plus juste, soit parce que le volontarisme politique est confronté à une impuissance nouvelle liée à la libre circulation des capitaux et aux stratégies de délocalisation et de dumping social des multinationales ou au transfert de souveraineté à des institutions transnationales plus ou moins démocratiques.

 

Cette crise de la démocratie représentative peut-elle simplement être conjurée en instaurant de nouvelles règles institutionnelles rendant le monde politique moins fermé sociologiquement, moins attaché à la conservation de ses privilèges, et moins poreux aux sirènes de l'affairisme (par exemple: limitation du pouvoir de l'exécutif, accentuation du contrôle de la justice sur celui-ci, scrutins de liste à la proportionnelle permettant l'élection de plus de femmes, de jeunes, de représentants issus des classes populaires, réforme de la formation scolaire des cadres politiques et administratifs, mandat unique ou non cumul des mandats...)? Implique t-elle de rapprocher les instances de décision du citoyen en allant vers plus de démocratie locale, de décentralisation et de démocratie participative? Faut-il multiplier les référendums d'initiative populaire pour que les individus se ressaisisse des questions politiques et fassent pleinement leur travail de citoyens ?

 

Ou faut-il croire au contraire que le combat est perdu d'avance, du fait du comportement moyen de l'individu des sociétés démocratiques et capitalistes avancées?

Pour certains contempteurs de la modernité, l'accès au confort matériel et la relative égalisation des conditions, en même temps que la nouvelle division du travail et les contraintes de mobilité que le phénomène urbain et les mutations de l'économie ont généré, auraient dissout les vieilles solidarités et fait émerger la monade individualiste des masses anonymes, l'individu-consommateur indifférent à la vie publique et à l'intérêt général.

Homo democraticus que beaucoup d'essayistes, sociologues, philosophes critiques de l'Etat-Providence et de la modernité démocratique nous décrivent, dans le sillage des anticipations de Tocqueville, des analyses de Hannah Arendt, comme un être indifférent à son voisin et à la vie publique, tournant autour de lui-même et de ses petits plaisirs, ne pensant pas au-delà du cercle étroit de sa famille, ne songeant à la politique que quand des réformes ou des phénomènes sociaux affectent ses intérêts matériels et catégoriels immédiats, ne cherchant pas à défendre les libertés publiques et une vision de l'intérêt général mais se contentant d'être dans un rapport instrumental de consommation (de protection sociale, de services publics, d'assurance contre l'imprévu) à la puissance publique de l'Etat.

Cet homme démocratique oublieux des durs combats du passé nécessaires à la conquête de ses droits politiques et de ses libertés individuelles, trop gâté et préoccupé essentiellement par ses petits plaisirs abêtissants, décérébré par la civilisation du loisir, les mass médias, la société de consommation serait une forme de "dernier homme" (pour reprendre une notion introduite par Nietzsche)  incapable de donner une consistance aux institutions démocratiques et de se méfier des démagogues dangereux qui flattent ses bas instincts anti-fiscaux ou égalitaristes, xénophobes et sécuritaires, serait incapable de préserver la démocratie si des élites plus responsables et conscientes des dangers qui la guettent ne la préservaient, du point de vue de ces intellectuels (Dominique Schnapper, Finkielkraut...).

On pourrait aller plus loin même et dire avec l'essayiste sceptique américain d'origine allemande Walter Lippmann que, structurellement, il est impossible que des électeurs puissent s'intéreresser à suffisamment de champs du savoir pour faire le tour des problèmes techniques qu'a à résoudre le politique. Le peuple est fondamentalement aveugle et doit être guidé par des experts et des politiciens professionnels instruits car il est hautement improbable que « la somme des ignorances individuelles puisse produire une force continue capable de diriger les affaires publiques ». Il faudrait donc « remettre le public à sa place », au sens de le rappeler à son devoir de modestie et de le remettre dans les gradins, car la gestion d'un Etat, d'une économie, est une affaire sérieuse qui n'est pas à la portée du profane, et l'homme de la rue n'est d'ailleurs pas fondamentalement un animal politique, qui manifeste un intérêt spontané pour les questions sociales quand elles n'ont pas d'incidence directe sur sa vie quotidienne.

 

Notre thèse à nous serait plutôt que c'est le sentiment de la perte de puissance transformatrice de la volonté politique citoyenne - liée à l'homogénéité idéologique des aspirants au pouvoir exécutif, à la puissance de l'instrumentalisation et de la neutralisation des pouvoirs politiques démocratiques par les puissances financières, et l'affranchissement de la politique « de toute promesse d'émancipation sociale, de tout horizon d'attente eschatologique » (Jacques Rancière, Aux bords du politique)  qui nourrit la démission citoyenne et le désintérêt pour la politique. C'est d'abord parce que le peuple a le sentiment justifié que son pouvoir ne s'exerce plus guère qu'il se désintéresse de la politique. Les élections libres sont devenus un cirque sans enjeu fait de marketing et de ciblage publicitaire plus que d'affrontements idéologiques et de débats d'idées. Les candidats sont présentés dans un emballage conçu par des experts en publicité plus habitués à promouvoir des marques que des principes politiques... Les médias détenus par les grands groupes financiers occultent les vrais enjeux sociaux des élections et les non-dits de candidats de partis de gouvernement qui acceptent la domination de la finance et s'en font les chargés d'affaire aussi bien dans leur politique intérieure qu'étrangère quand ils parviennent au pouvoir.

 

Comme l'écrit Jacques Rancière dans La Haine de la démocratie: « Nous vivons dans des Etats de droit oligarchiques, c'est à dire dans des Etats où le pouvoir de l'oligarchie est limité par la double reconnaissance de la souveraineté populaire et des libertés individuelles ». Un peu plus loin: "On prend habituellement l'existence d'un système représentatif comme critère pertinent de démocratie. Mais ce système est lui-même un compromis instable, une résultante de deux contraires. Il tend vers la démocratie dans la mesure où il se rapproche du pouvoir de n'importe qui. De ce point de vue, on peut énumérer les règles définissant le minimum permettant à un système représentatif de se déclarer démocratique: mandats électoraux courts, non cumulables; monopoles des représentants du peuple sur l'élaboration des lois...contrôle de l'ingérence des puissances économiques dans les processus électoraux".  

 

Le triomphe de l'idée démocratique, amputée de sa dimension subversive d'égalitarisme, a servi d'arme de guerre au libéralisme contre les idéaux d'émancipation sociale, et coïncide avec le déclin de la réalité démocratique.

 

Dans le courant des années 70-80, avec la mode de la pensée anti-totalitaire succédant à celle de l'anti-capitalisme et de l'anti-impérialisme, le discours dominant dans le champ intellectuel et médiatique a commencé à célébrer la démocratie comme une valeur absolue, atemporelle, indiscutable, l'alpha et l'omega du souhaitable politique, le dernier stade du progrès historique. Mais ce nouveau totem, cette idole devant lequel on a sacrifié avec bonne conscience les espérances révolutionnaires, les idéaux d'émancipation, et l'ambition de changer structurellement la société pour installer une démocratie sociale en complément de la démocratie politique, ce n'est qu'une idée historiquement située de la démocratie: la démocratie parlementaire ou représentative, défendue comme rempart de la liberté individuelle et de la liberté du marché contre les excès de la souveraineté du peuple et de son aspiration possible à l'égalité.

 

cf. Daniel Bensaïd dans un très bel article tiré du recueil Démocratie, dans quel état? publié aux éditions La Fabrique: « vers le milieu des années 1970, la scène mondiale commença à pivoter. Les protagonistes de la guerre froide- capitalisme contre communisme, impérialisme contre libération nationale – s'effaçaient devant une nouvelle affiche annonçant à grand tapage le combat du siècle entre Démocratie et Totalitarisme. Comme sous la Restauration monarchique, la démocratie sans phrases était censée donner un semblant de légitimité à la bassesse d'un interminable Thermidor. Pourtant aujourd'hui comme hier, les libéraux victorieux gardaient une secrète méfiance envers le spectre de la souveraineté populaire qui s'agite sous la surface du formalisme démocratique » (p.27).

 

Comme l'exprime l'intellectuelle de la gauche critique américaine Kristin Ross dans un article « Démocratie à vendre » (inclus dans ce même recueil Démocratie, dans quel Etat?: « on ne saurait surestimer l'énorme avantage que les États occidentaux ont réussi à pousser en présentant la « démocratie » comme une force faisant contrepoids au « communisme ». Ainsi, ils ont pris le contrôle entier du mot, effaçant toute trace de la valeur émancipatrice dont il était jadis chargé. La démocratie est devenue une idéologie de classe légitimant des systèmes qui permettent à un très petit nombre d'individus de gouverner – et de gouverner pour ainsi dire sans le peuple...Et imposer l'idée que le marché est un préalable évident à la démocratie et que la démocratie appelle inexorablement le marché constitue une victoire retentissante » (p.118).

 

En même temps qu'ils célèbrent comme la fin de l'histoire, le meilleur des mondes possibles ou le moindre mal (par rapport au maximalisme révolutionnaire conduisant semble t-il naturellement au goulag, au totalitarisme et aux bains de sang) la démocratie moderne des droits de l'homme et des libertés individuelles, de la liberté d'expression, du multipartisme et de l'alternance des représentants politiques, ces même intellectuels libéraux ou conservateurs vouent, comme l'a bien vu le grand philosophe français Jacques Rancière une forme de haine à la société démocratique produite par l'égalisation partielle des conditions, entendent encadrer et contrôler la souveraineté du peuple dont ils se méfient, et manifestent une véritable angoisse vis à vis du mouvement spontané des masses pouvant bousculer l'ordre hiérarchique établi.

 

"La haine de la démocratie peut se résumer en une thèse simple: il n'y a qu'une seule bonne démocratie, c'est celle qui reprime la catastrophe de la civilisation démocratique" (Jacques Rancière, La Haine de la démocratie). Pour exemple, le rapport de cette Commission Trilatérale composé par Michel Crozier, Samuel P. Hundington, Jogi Watanaki, qui a donné sa feuille de route au néo-libéralisme brutal des années 80: pour eux, la démocratie signifie l'accroissement irrésistible des demandes qui fait pression sur les gouvernements, elle entraîne le déclin de l'autorité et rend les individus rétifs à la discipline et aux sacrifices requis par l'intérêt commun". Dès lors, on qualifiera du terme devenu injurieux de "populiste" toute politique qui vise à satisfaire les revendications populaires et on louera le courage et l'esprit de responsabilité des hommes politiques qui écoutent ceux qui savent, les experts économiques, plutôt que les citoyens, et qui réduisent de ce fait les garanties sociales de la population pour accroître la compétitivité des entreprises et réduire les impôts.  

 

Cette haine de la démocratie a plusieurs symptômes et prend plusieurs formes:        a) Chez les intellectuels d'État libéraux de la Fondation Saint Simon dans les années 90: survalorisation, à l'encontre du débat idéologique contradictoire, de la nécessité du conseil technique et scientifique aux représentants pu peuple, du pouvoir des experts capables, contrairement aux citoyens peu lucides et ignorants, de trouver des moyens pour mettre en œuvre efficacement des fins à travers une connaissance des lois de l'économie... Survalorisation aussi des corps intermédiaires de la société civile (syndicats, médias, partis, églises, associations...) qui peuvent discipliner et éclairer les revendications populaires et faire de la pédagogie auprès du peuple pour lui expliquer les dures nécessités de l'action politique responsable en période de mondialisation. Idéal d'un silence des passions politiques, des conflits idéologiques, au profit d'un pragmatisme technicien à finalité purement utilitariste -augmenter la croissance, la prospérité économique nationale, diminuer le chômage- commandant des réformes dont la nécessité devrait s'imposer à tous.                 b) Idée que la démocratie politique, le droit du peuple à élire ses représentants, se justifie essentiellement comme moyen de les contrôler pour qu'ils ne remettent pas en cause les libertés individuelles. Les droits de chacun doivent l'emporter sur le pouvoir de tous.     c) Ou alors, idée qu'elle se justifie au nom de la paix civile comme moyen de régler pacifiquement des conflits liées à la contradiction des intérêts et des opinions de groupe sociaux. Cf. pour Raymond Aron, dans une perspective pragmatique, la démocratie n'est jamais que « l'organisation de la concurrence pacifique en vue de l'exercice du pouvoir » qui présuppose des « libertés politiques » sans lesquelles « cette concurrence est faussée ». Toutefois, cet attachement à la démocratie comme moyen de paix civile est contradictoire avec tout attachement religieux à un absolu politique, toute ambition de changer la société à marche forcée pour la rendre plus juste, dans la mesure où ces attitudes politiques maximalistes supposent la neutralisation des adversaires politiques et sociaux, la suppression du multipartisme et de l'alternance politique, la suspension des libertés publiques. Être démocrate, cela suppose une certaine forme de résignation au moindre mal de la domination provisoire d'opinions politiques qui nous semblent erronées et contraires à l'intérêt général. La démocratie s'accorderait mieux avec le scepticisme (les solutions que je préconise ne sont pas forcément les meilleures et des nécessités absolues, même si j'ai tendance à le croire du fait de mon histoire, de mon éducation de mon point de vue particulier sur les choses) et avec le relativisme (tolérance liée à l'absence de croyance en une vérité absolue en matière politique: il n'y a que des opinions), voire à l'indifférentisme politique qu'avec le dogmatisme et l'attachement fanatique à la réalisation rapide d'idéaux de transformation sociale perçus comme moyen de salut pour l'humanité. d) Toute ambition révolutionnaire visant à obtenir une émancipation complète du peuple sur le court terme serait vouée à justifier la confiscation du pouvoir par une minorité et la violence contre les récalcitrants, au nom du Bien, et comme la nature humaine est ainsi faite que le pouvoir absolu corrompt absolument et rend fou, une idéologie qui justifierait au nom d'idéaux de libération ultime un pouvoir absolu provisoire d'un État ou d'un parti sur la société conduirait, comme l'ont montré l'exemple du moment jacobin de la Révolution Française de 1793-1794, des révolutions communistes russes, chinoises, vietnamiennes, cambodgiennes, à des dictatures venant progressivement à se considérer comme leurs propres fins.     e)Parallèlement, chez beaucoup de philosophes, sociologues, essayistes (Finkielkraut, Jean-Claude Milner, Dominique Schnaper...), on observe une critique des principes mêmes de la démocratie et de l'individu produit par la société démocratique, critique héritée de Platon et de Tocqueville qui est une critique à peine voilée de la civilisation démocratique entendue en termes sociologiques comme impliquant l'égalité sociale. La civilisation égalitariste de l'âge démocratique dégraderait les vertus humaines.

Or la démocratie, dans son sens originel, c'est le pouvoir du demos, du peuple, pour le peuple, le peuple au sens du peuple sociologique: le commun, le vulgaire, les classes moyennes et populaires... soit le pouvoir du citoyen qui n'a aucun titre à gouverner...

 

Ainsi, Demokratia veut dire le pouvoir du peuple en un double sens: a) du peuple en tant qu'entité politique, communauté organisée de manière conventionnelle pour faire les lois, dire le droit b) le peuple en tant que réalité sociale, le grand nombre des classes populaires et moyennes, opposé aux vieilles familles aristocratiques et aux riches. D'emblée donc, la démocratie acquiert une double signification d''égalité politique et d'orientation vers l'égalité sociale. Politique dans la mesure où elle implique l'égale capacité de tous les citoyens à produire la loi et à gouverner la cité, comme l'absence de commandement d'un homme éminent ou d'une élite. Sociale, dans la mesure où c'est la plèbe, pour utiliser un mot latin, le bas peuple, qui prend le pouvoir dans la démocratie, pouvant ainsi l'utiliser selon les intérêts du plus grand nombre. L'installation de la démocratie a coïncidé avec un moment de la lutte des classes, les « démocrates » étant d'abord les défenseurs du parti populaire.

 

L'essence égalitaire de la démocratie, telle qu'elle est revélée par sa naissance...

 

Chacun sait aussi que la démocratie naît dans la Grèce antique, et en particulier à Athènes au VI ème av. JC. Depuis le VIII ème siècle, les Grecs s'étaient organisés en cités autonomes au travers de rassemblement de villages s'organisant à partir de mêmes lieux de décision et de délibération commune, la loi n'étant plus considérée comme l'expression d'une tradition sacrée, de la volonté d'un homme situé au-dessus des autres ou de la volonté divine, mais le produit d'une décision collective révisable visant l'intérêt général.

Entre le VIIIème siècle et le Vème siècle av. JC, les cités grecques ont principalement été administrées par des oligarchies ou des tyrannies.

L'oligarchie renvoyait au gouvernement d'un conseil fermé de notables (les Eupatrides à Athènes),de riches appartenant souvent à une aristocratie héréditaire et se partageant les magistratures, les fonctions publiques de commandement à caractère politique, religieux ou militaire.

Ces grands propriétaires gouvernaient avec morgue un petit peuple de paysans, d'artisans et de commerçants, ouvriers et manœuvres constituant le démos, le peuple, provisoirement tenu à l'écart de l'agora. Toutefois, le développement rapide des implantations coloniales, des échanges commerciaux, du capitalisme et de l'urbanisation, comme des guerres impériales à partir du VIIIème siècle en Grèce a rendu plus fragile cette domination oligarchique, les tensions entre les classes sociales installant un climat de guerre civile larvée dans les cités (affrontement entre les grandes familles et leurs clientèles, expropriation des petits paysans, paysans promis par leur dette à l'esclavage, exploitation des ouvriers et artisans des villes...), provoquant de nombreuses révolutions.

Ces révolutions ont d'abord accouchés de tyrannies, accaparement du pouvoir par des aventuriers gouvernant par usurpation, ex lex et selon leur bon plaisir en servant leurs alliés et leurs clientèles et en humiliant les vieilles familles, en les expropriant pour redistribuer une partie de leurs richesses au peuple, sur lequel ces tyrans s'appuyaient. Quand les tyrans laissaient en place pour faire illusion les Assemblées des notables, ils les faisaient voter sous la surveillance de porte-gourdins des propositions populaires. « Abaisser l'aristocratie et relever les humbles: tel est le principe général qui guide les tyrans » (Gustave Glotz, La cité grecque, 1928). Moyens de se concilier le peuple: exiger l'augmentation des salaires, lui donner du travail en financement des programmes de grands travaux avec l'argent prélevé sur la fortune des notables, lui promettre du butin en organisant des expéditions militaires financées là encore avec des impôts sur les riches.

La démocratie athénienne, dont on connait précisément l'histoire, s'est organisé en plusieurs temps:

- avec Solon d'abord, en 594 sur une base censitaire (les obligations et les droits des classes, leur participation aux magistratures mais non à l'assemblée et aux tribunaux, étant dépendant du cens ou de l'impôt qu'elles versent en fonction de leurs richesses). 

  • avec Clisthènes après l'épisode de la tyrannie de Pisiscrate en 508/7 – les tyrans et leurs alliés furent proscrits, les citoyens d'Athènes furent classés selon leur domicile et non selon leur classe sociale. Le pays athénien fut divisé en dèmes, petites communes qui avaient chacune leurs assemblée, leurs magistrats, leur administration. Les différents dèmes, indépendamment de leurs proximités géographiques et de leurs intérêts communs, furent repartis en 10 tribus, qui élirent chacune 50 membres de La Boulé, le conseil des 500, lieu de représentation proportionnelle des dèmes, dont le travail était préparé par une commission de 50 élus d'une même tribu, cette commission étant composée à tour de rôle des représentants de plusieurs tribus y siégeant pendant 1/10 ème de l'année. La Boulé, ou conseil des Cinq Cents, préparait des projets qui étaient ensuite soumis à la ratification de l'ensemble des citoyens réunis. Le pouvoir exécutif était assuré par 9 archontes accompagnés d'un secrétaire représentant les 10 tribus athéniennes.

  • Pendant les guerres médiques (opposant les Grecs aux Perses), des retouches furent apportés à la constitution politique d'Athènes, la rendant encore plus démocratique. En 487, on décida de tirer au sort les archontes, un par tribu. En 462, le parti démocratique dirigé par Ephialtès obtint que l'Aréopage, un conseil de notables équivalent à une forme de Sénat qui avaient la garde de la constitution ou des lois fondamentales d'Athènes, pouvait juger des crimes et infractions et exercer un contrôle sur le gouvernement, fut privé de ses prérogatives et réduit à des fonctions religieuses honorifiques. Periclès, lieutenant d'Ephialtès et petit-neveu de Clisthènes, prolongea ses réformes démocratiques par plusieurs innovations fondamentales: il éleva la loi au-dessus des caprices populaires en permettant à n'importe quel citoyen de dénoncer une proposition d'arrêt populaire jugé contraire aux lois fondamentales et de faire poursuivre, et parfois même condamné à mort, son auteur (c'est la pratique du graphè paranomôn, action criminelle en illégalité). Périclès, pour permettre aux citoyens modestes devant travailler pour survivre de remplir pleinement leur rôle souverain à la Boulé, dans les tribunaux ou pour occuper une charge de fonctionnaire après tirage au sort, leur attribua des soldes, ou misthoi. Au IVème siècle, les citoyens eurent droit à des indemnités, non seulement pour rémunérer des services exceptionnels, mais pour se rendre à l'Assemblée plénière des citoyens (l'Ecclésia) et y voter les lois.  

Au terme de toutes ces réformes qui à chaque fois ont coïncidé avec des progrès du parti populaire dans la lutte des classes qu'il mène contre les élites conservatrices, la minorité de citoyens Athéniens, distincte d'une majorité d'esclaves et de métèques d'origine étrangère privés de citoyenneté et soumis à un impôt spécial, se pense comme une société d'égaux, la seule à vivre dans un régime vraiment républicain (où le pouvoir est la « chose publique ») caractérisé par l'isonomia, l'égalité devant la loi, et l'iségoria, le droit égal de parler. Plus aucun titre de noblesse n'a de valeur: on ignore même les noms de famille et tout Athénien accole à son nom personnel le nom de son dème, plus rarement celui de son père s'il est illustre. Même si les hommes politiques influents viennent souvent de grandes familles, y compris dans le parti populaire, l'État ne reconnaît que des individus et non des familles appartenant à des castes différentes. « Les citoyens ont tous les mêmes droits. Ils peuvent entrer à l'Assemblée pour parler, s'ils le veulent, et pour voter; car le système représentatif n'existe pas et eût semblé une restriction oligarchique de l'iségoria. Ils peuvent se porter candidats au Conseil et aux autres fonctions publiques dans des conditions légales: ils sont tour à tour obligés d'obéir et admis à commander. Ils prennent part aux fêtes publiques, aux processions, aux sacrifices, aux jeux, aux représentations théâtrales, sans autre distinction que la préséance accordée aux magistrats » (Gustave Glotz, La Cité Antique, p. 140).

 

 

Pour Platon (philosophe athénien, V-IVème s av. JC) la démocratie, qui correspond à la prise de pouvoir par la majorité des pauvres conduits par des démagogues à prendre des orientations politiques contradictoires en fonction des intérêts de ses derniers aboutit aussi à servir les intérêts de classe et la cupidité du peuple avant toute chose au détriment de l'intérêt général (par exemple en encourageant à la guerre ou à des politiques impérialistes vis à vis des cités voisines, pour donner des indemnités aux citoyens engagés dans les navires de guerre, du travail pour les construire, et des promesses de butin). Le gouvernement démocratique conduit aussi à l'absence de gestion rationnelle de la cité: pour cela, il faudrait que les décisions émanent des plus compétents, des experts formés au sein de l'élite sociale par les philosophes, et non des aventuriers, qui grâce à leur sens de l'intrigue et de leur maîtrise de la démagogie, parviennent à séduire le peuple. Alors qu'une société bien organisée est celle où les statuts et les devoirs sociaux sont bien hiérarchisés, différenciés et complémentaires pour servir l'intérêt de l'ensemble de la société, la démocratie tend à favoriser l'indifférenciation sociale, la prétention des individus à échapper aux obligations traditionnelles liées à leur sexe, leur âge, leur rang social. La démocratie favorise l'esprit d'insoumission et un hédonisme individualiste qui génère de l'anarchie, de la licence généralisée et la corruption des vertus morales du peuple. Pour Platon, dont Tocqueville et les réactionnaires contemporains s'inspireront, le régime populaire crée un type d'homme perverti incapable de s'astreindre à une discipline morale. L'homme démocratique laisse s'établir en lui des désirs multiples et se montre velléitaire, inconstant, incapable de courage et de sens du sacrifice: « il passe chacun de ses jours à complaire au désir qui lui échoit au passage ». Cette avidité débridée et cette perte d'esprit civique et public des individus qui composent la démocratie favorisent l'instabilité des régimes et l'arrivée au pouvoir d'ambitieux qui flattent le peuple de vaines promesses tout en n'ayant pas la connaissance suffisante pour bien le préserver des écueils (invasion étrangère, crise économique, révolution violente...) ou qui cherchent à établir des tyrannies en s'appuyant sur les citoyens les plus modestes. La constitution démocratique, née de l'insurrection violente des pauvres, s'achève naturellement par la spoliation des riches, à moins que ceux-ci parviennent à se défendre en préservant leurs intérêts par la force et en constituant des oligarchies tyranniques. Dans une démocratie, les rôles sont inversés et les gouvernants qui doivent conduire et éclairer tendent à être les gouvernés car pour conserver une influence sur le peuple et des magistratures accordées par élection, ils doivent le flatter, abonder dans le sens de ses erreurs, de ses ignorances et de ses bas instincts qu'il faudrait corriger. Or, selon Platon, « la foule est le critère du pire ». Le nombre, la règle majoritaire, n'ont rien à voir avec la vérité, rien à voir avec les conditions de l'harmonie sociale, puisque les passions l'emportent sur le jugement rationnel chez les hommes qui n'ont pas la distinction naturelle ou l'éducation pour faire un bon exercice de leur raison.

 

Les fondements de la démocratie libérale moderne ne sont pas égalitaristes.  

 

« Si la démocratie prémoderne, républicaine, était fondée sur l'idée d'exercer le pouvoir en commun – le pouvoir du peuple pour le peuple- et était par conséquent centrée sur un principe d'égalité, la promesse de la démocratie moderne a toujours été la liberté. Cette démocratie moderne n'a jamais prôné l'égalité, sauf sur le mode le plus formel, celui de la représentation (le bulletin de vote) ou de l'égalité devant la loi ». (Wendy Brown).

 

La philosophie politique et des théoriciens du droit ont commencé à définir les fondements et les conditions de bon fonctionnement de la démocratie comme système politique entre le XVIIème s et le XXème s.

 

Il revient à Hobbes, philosophe anglais matérialiste du XVIIème s, d'avoir affirmé le premier que la loi civile n'émanait ni de Dieu ni d'une supériorité naturelle d'un homme sur un autre mais d'un accord originel et tacite, d'un pacte ou contrat social à partir desquels les hommes pour échapper aux conséquences dramatiques de leur liberté naturelle, la guerre de tous contre tous, ont décidé de sacrifier leur liberté illimitée à une sécurité et une liberté encadrée protégée par des lois et une force publique. Le champ du politique était donc défini comme l'exercice d'un pouvoir protégeant les individus ayant des opinions et des intérêts différents les uns des autres et leur permettant de vaquer à leurs affaires privés sans avoir à craindre leur voisin. Mais pour Hobbes, pour rendre possible cette quiétude publique et cette liberté individuelle définie négativement comme absence de contrainte, il fallait un pouvoir central s'exerçant de manière absolue, aux prérogatives illimitées.

Face à cette légitimation de l'absolutisme royal par Hobbes, Locke et Montesquieu vont au contraire mettre en avant la nécessité de préserver la liberté de chacun contre les empiètements du pouvoir central. Pour cela, il faut que les dirigeants soient élus afin qu'il soit plus facile de les contrôler et pour éviter qu'ils n'empiètent sur la liberté individuelle. Il faut qu'ils soient révocables et qu'ils respectent une constitution garantissant des libertés individuelles fondamentales (liberté de conscience, d'expression, de presse, de circulation, propriété, libre entreprise...). Il faut que le pouvoir soit divisé et que différents pouvoirs s'équilibrent et se contrôlent entre eux, s'empêchant réciproquement de dériver vers un exercice absolu et arbitraire: indépendance de la justice, Sénat non soumis aux aléas de la vox populi garant des lois fondamentales, contrôle des magistrats par une opinion publique pouvant s'exprimer librement et un Parlement représentant une diversité de partis politiques, fédéralisme et indépendance des collectivités locales empêchant le pouvoir central d'avoir trop d'emprise sur l'individu.

 

La question centrale de la démocratie libérale est de trouver les garanties institutionnelles pour préserver la liberté des individus, y compris la liberté des affaires, contre les menaces incarnées par le pouvoir, d'autres d'autres individus ou d'autres forces sociales. Cette démocratie libérale n'est aucunement faite pour permettre au peuple de transformer la société pour la rendre plus égalitaire: elle vise à limiter la souveraineté du peuple au nom d'une conception individualiste du fondement de l'Etat: il n'est là que pour nous protéger les uns des autres.

 

C'est cette pensée politique que l'on trouve à l'origine de la première démocratie du monde, celle des Etats-Unis fondée suite à la guerre d'indépendance contre l'Angleterre en Amérique.

La Révolution Française de 1789 a pour partie aussi été influencée par cette philosophie politique libérale (révolution modérée s'accordant d'une monarchie constitutionnelle et d'une démocratie représentative ayant pour but le respect des droits de l'homme et du citoyen de 1789-1791) et ... pour partie aussi influencée par le républicanisme nostalgique de l'antiquité gréco-romaine de Rousseau et son idéal de démocratie directe et de pleine souveraineté d'un peuple pensé comme naturellement droit et juste dans ses arrêts, à condition de n'avoir pas le jugement troublé par des ambitieux ou des factions aux intérêts particuliers variés. Pour Rousseau, l'homme n'a pas simplement intérêt à être citoyen pour préserver ses droits d'individu privé contre les empiètements de la masse, il se réalise en tant que citoyen utilisant sa raison et laissant de côté ses intérêts privés pour débattre de l'intérêt général avec ses pairs et énoncer la loi.

 

Depuis la mise en place douloureuse, surtout en France, de ces démocraties modernes, qui ont d'abord été censitaires, puis fondées sur le suffrage universel, l'idée semble s'être imposé que la volonté du peuple est le fondement légitime de tout pouvoir, que tous les hommes sont naturellement égaux et doivent être égaux en droits, devant la loi, que la liberté individuelle étant une valeur fondamentale, elle ne doit être contrariée par le pouvoir central de l'État que si elle entrave la liberté d'autrui ou s'adonne à des pratiques jugées inacceptables moralement. Ces trois valeurs consensuelles sont au fondement des institutions démocratiques.

   

Critique marxiste du formalisme de la démocratie représentative libérale, pensée comme démocratie inachevée. 

 

Dans L'Idéologie allemande, en 1845, Marx et Engels font de l'État « la forme par laquelle des individus d'une classe dominante font valoir leurs intérêts communs »... et l'État démocratique ne déroge pas à la règle. « L'Etat est le comité qui gère les affaires courantes de la bourgeoisie » diront Marx et Engels dans le Manifeste communiste en 1848.

Il est la forme à travers laquelle, sans forcément en avoir conscience car elle se dissimule sa politique d' intérêt de classe sous des mots d'ordre grandioses et des idéaux d'émancipation humaine, la bourgeoisie, classe sociale ascendante a pris le pouvoir social à la noblesse, tout en asujetissant le prolétariat à une exploitation sociale brutale mais dissimulée sous l'apparence de la liberté politique et individuelle et de l'égalité de droit

 

Même si Marx, en tant que journaliste aux Nouvelle Gazette Rhénane, défendait la démocratie politique, il critique dès 1844 le culte des droits de l'homme et du suffrage universel dans A propos de la question juive en montrant que ces fondements de la démocratie libérale, dans la mesure où ils affirment la liberté et l'égalité abstraites de l'homme, sans considérer les relations de production et de travail, la production concrète de l'existence et les rapports de classe, ont pour fonction de dissimuler aux hommes concrets la vraie nature de leurs rapports sociaux en leur faisant croire qu'ils sont égaux et souverains.

Politiquement émancipé (par l'instauration du suffrage universel), l'homme n'en participe pas moins à une souveraineté imaginaire; être souverain jouissant des droits de l'homme, il mène une double existence, celle idéale et fictive de citoyen aux droits égaux à ceux des autres et membre de plein droit d'une communauté politique souveraine, et celle, réelle ou concrète, d'individu instrumentalisé ou instrumentalisant son prochain sous le règne brutal de la souveraineté de l'argent et de la propriété privée.

 

Pour résumer, la démocratie politique est un leurre pour Marx sans démocratie sociale, sans suppression de la propriété privée des moyens de production et de la domination de classe: Car la souveraineté du peuple et le pouvoir de tous en tant que citoyens et membres de la communauté politique sont limités dans la démocratie libérale pour les droits de l'homme qui sont les droits de l'individu propriétaire et égoïste. Marx commente l'article 2 de la constitution française de 1793: « Ces droits naturels et imprescriptibles de l'homme sont: l'égalité, la liberté, la sûreté, la propriété ». La liberté est définie non pas en termes politiques (pouvoir de tous sur chacun pour dire le droit), non pas en termes sociaux (pouvoir de satisfaire ses besoins ou ses envies: liberté réelle ou concrète vs. Liberté formelle) mais comme droit de faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Ce principe affirme la séparation ultime des hommes qui ne doivent pas s'occuper de leurs voisins, empiéter sur leur pré carré, l'empêcher de vaquer à ses affaires. L'Etat ne se justifie que comme moyen de préserver à tous ces libertés individuelles qui ont pour condition d'exercice la propriété et la sûreté. « La sûreté est la plus haute notion sociale de la société civile, la notion de police d'après laquelle la société tout entière n'existe que pour garantir chacun de ses membres la conservation de sa personne, de ses droits, de ses propriétés... Par la notion de sûreté, la société civile ne s'élève pas au-dessus de son égoïsme. La sûreté, c'est plutôt l'assurance de son égoïsme » (La question juive, 1844).

 

Même avec le suffrage universel,  les classes dominantes qui ont tendance à dominer aussi la scène intellectuelle disposent de moyens idéologiques puissants (livres, médias, religion, philosophie...) pour diffuser les valeurs morales et politiques qui légitiment et perpétuent leur domination, aliénant ainsi les classes exploitées en lui dissimulant la nature réelle de leur situation sociale et de leurs intérêts. Critique qui n' a rien perdu de son actualité...

 

Toutefois, Marx et Engels considèrent aussi que le suffrage universel et la démocratie politique peuvent être des moyens de faire grandir l'exigence de la démocratie sociale, de l'égalité de droits effective, et ils soutiennent l'émergence de partis politiques communistes et leurs participations aux élections.

 

Par ailleurs, s'ils pensent que pour supprimer la propriété privée des moyens de production et l'exploitation capitaliste, on ne pourra faire l'économie d'une révolution, car même si le parti qui sert d'avant-garde au prolétariat arrive au pouvoir démocratiquement, il devra se protéger contre les forces de la réaction (armée, administration, propriétaires...), leur but n'était aucunement d'installer durablement un parti état au pouvoir centralisé et bureaucratique asujetissant tous les individus privés de capacité d'auto-détermination à des missions d'intérêt social, mais de supprimer l'Etat et de créer des sociétés sans police s'auto-gérant sur un mode démocratique.

 

Reste le problème fondamental et redoutable pour les communistes instruits par la triste expérience des destinées des révolutions russes, chinoises, vietnamiennes, cubaines, de la révolution nécessaire à l'avènement de cette société sans pouvoir d'Etat car sans exploitation de classe. Ne faut-il pas penser, avec le George Orwell de La Ferme des animaux que l'homme est ainsi fait qu'il abusera absolument d'un pouvoir absolu qu'il s'arrogerait au nom d'une émancipation rapide du peuple pour continuer à l'opprimer pour son intérêt et celui de sa clientèle par d'autres voies...?

Peut-on rééllement concevoir une révolution qui conserve une forme et un contenu démocratique ou, réciproquement, des institutions démocratiques ouvertes au multipartisme et à l'alternance qui soient animées d'une dynamique de révolution sociale prolongée?   

   

Ismaël Dupont.  

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12 mars 2011 6 12 /03 /mars /2011 13:29

Entretien paru dans les pages "Communistes" de l'Huma entre Gérard Streiff et Jean-Luc Gibelin, membre du Comité exécutif, responsable du secteur Santé/ Protection sociale.

 

Quel est l'enjeu de la dépendance?

JL Gibelin: La perte d'autonomie totale ou partielle renvoie à trois situations distinctes: le grand âge (1,3 million de personnes), handicap (700000 personnes) et invalidité (600000 français), même si une personne peut passer d'une situation à une autre. Elle est traitée principalement de trois manières: prise en charge médicale et médico-sociale, prestation/ indemnisation de compensation et politique d'ordre "sociétal". Il y a trois acteurs principaux: les organismes sociaux, les collectivités locales et leurs services publics, et les acteurs privés (assurentiels et médico-sociaux). Il y a deux modalités de financement: le financement socialisé qui recouvre Sécurité sociale, fiscalités, travail gratuit, le "reste à charge", c'est à dire le financement direct par les familles; et le financement dit contractualisé: mutuelles ou assurances privées individuelles ou collectives.

Les chiffres? 22 milliards d'euros en 2010 seront consacrés à la dépendance, soit 1,1% du PIB qui se répartit: pour la Sécurité sociale, 13,45 milliards, dont 11 milliards pour l'assurance maladie; 6,1 milliards pour les départements qui financent l'APA et certaines aides à domicile; 3 milliards pour les financements gérés par le CNSA, issus de la Contribution sociale autonomie et de la CSG.  

 

Les banques, le MEDEF, et le Président n'aimeraient-ils pas orienter ces sommes vers le privé, l'assurance?

JLG: Absolument. En 2009, 2 millions d'assurés versaient 403 euros de cotisations au titre d'un contrat pour lequel la dépendance est la garantie principale. Il y a eu 127,7 millions de rente versée. La différence, soit 275,4 millions, a alimenté les profits des sociétés d'assurance, un beau magot! Au-delà, la démarche assurantielle est typiquement individuelle alors que nous prônons la solidarité comme réponse.

 

Quelles sont les propositions communistes?

L'enjeu d'une vraie politique publique de la prise en charge de la perte d'autonomie, terme que je préfère à dépendance, est au coeur de nos réponses. Elle doit articuler prévention, dépistage et prise en charge solidaire. La prévention passe par le développement notamment des vertus protectrices de l'activité physique ou intellectuelle, de l'intégration sociale et du rôle social des personnes, d'une alimentation équilibrée. La prévention passe aussi par le remboursement à 100% par l'assurance maladie des dépenses de santé.

La politique publique passe par un développement important des services publics nationaux répondant à la perte d'autonomie et leur réelle et efficace coordination afin de répondre aux nouveaux besoins; nous pensons notamment à tous les aspects d'aides (repas, toilettes, mobilisations...etc) mais aussi aux équipements et aménagements des logements, aux transports, etc. Nous proposons au niveau départemental un pôle public de l'autonomie.

Cette coordination départementale doit permettre une simplification des démarches pour les personnes et les aidants et une meilleure efficacité du service rendu. Au-delà, cette véritable coordination des politiques publiques de l'autonomisation devra être un véritable contrôle démocratique: Etat, collectivités territoriales, organisations syndicales, associations des usagers.

Nous posons le principe le principe d'un financement solidaire dans la Sécurité sociale et d'un financement public. Nos propositions pour l'assurance maladie sont avec le développement de l'emploi, l'augmentation des salaires, une nouvelle politique économique et industrielle. Elles s'accompagnent du principe de modulation de la cotisation visant l'accroissement du taux en fonction des choix d'emplois et de salaires de l'entreprise. Nous portons aussi la cotisation sur les revenus financiers des entreprises, des banques, des assurances.  

Le financement du service public renvoie à une autre conception de l'Europe, de sa monnaie, de la Banque centrale européenne pour développer les services publics.

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8 mars 2011 2 08 /03 /mars /2011 18:36

Ce mardi 8 mars, devant la presse et les caméras de France 3, une quarantaine de militants du collectif eau publique Morlaix-Saint Martin des Champs, parfois membres d'Attac, du PS, d'Europe Ecologie-Les Verts, du PCF, de la CFDT, de la FSU, parfois simples  citoyens engagés, ont applaudi sous un beau soleil dans le port de Morlaix le baptême et la mise à l'eau "du bateau de l'eau, bien commun", autrement appelé en pied de nez "Véoleur".

 

Mise à l'eau du Veoleur 8 mars 2011C'est l'occasion de regretter l'absence de réelle transparence de certains élus du SIVOM à l'approche de sa prise de décision finale le 25 mars concernant le choix de la continuation l'affermage de la gestion de l'eau avec un opérateur privé ou le retour en régie municipale.

Pourquoi la synthèse du cabinet Bert (qui a recueilli les offres de la Saur, de la Lyonnaise, de Véolia en fonction d'un cahier des charges définis par les élus et qui ne correspond pas exactement à l'ancien contrat et les a comparés à une estimation du coût pour la collectivité d'un retour en régie publique) n'est-elle pas communiquée dès maintenant aux élus pour qu'ils puissent l'analyser à froid, se faire conseiller, en informer la population afin de susciter un vrai débat public? S'ils n'en prennent connaissance que le 17 mars à l'occasion d'une réunion commune des élus municipaux de Morlaix et Saint Martin des Champs, ne peut pas penser qu'ils risquent, 8 jours avant le vote, d'être par trop sous l'influence de l'interprétation pas forcément désintéressée et objective qui sera fait devant eux des dossiers présentés par le cabinet Bert?

Pourquoi les documents écrits avec les comparatifs officiels ne sont-ils pas donné non plus au comité de pilotage citoyen qui accompagne les travaux préalables au renouvellement du contrat par le Sivom, ou encore au collectif eau publique Morlaix-Saint Martin des Champs, qui ne dispose d'aucune évaluation chiffrée écrite des différentes hypothèses en concurrence, même s'il se rejouit néanmoins de constater, avec les informations qu'on lui a donné, que la gestion en régie publique serait 30% moins chère pour l'usager de Morlaix et Saint-Martin des Champs que la gestion actuelle de Véolia pour la distribution, et 20% moins chère pour l'assainissement.

 

Mise à l'eau du Veoleur 8/03/2011A supposer que Véolia, grâce à la pression opportune des actions de sensibilisation de la population du collectif eau, soit parvenue à présenter une offre considérablement plus avantageuse que la collectivité que son précédent contrat, de manière à garder la délégation de service public, ne faut-il pas s'interroger sur la part de surtaxe qui restera à charge du SIVOM pour les investissements sur les réseaux et qui ne sera pas prix en compte, alors qu'elle fait partie du coût global de l'eau pour l'usager, dans l'évaluation par les élus de la proposition de Véolia? Cette part de surtaxe pour améliorer la qualité des réseaux ne sera t-elle pas d'autant plus importante que Véolia a manqué à ses obligations d'entretien pendant de nombreuses années jusqu'en 2003 pour mieux servir ses actionnaires? Et si l'offre de Véolia était présentée comme plus intéressante d'un point de vue comptable que le retour en régie publique, cela voudrait dire que la multinationale de l'eau, N°1 du secteur, est capable tout d'un coup de faire aussi bien à tarification indolore pour l'usager alors qu'elle présente des bilans financiers déficitaires 8 années sur les 10 dernières? Ne faudrait-il pas alors croire que Véolia s'est moqué pendant plusieurs années des élus et des citoyens, comme elle l'a fait ailleurs, et a présenté des bilans mensongers, cachant une évaporation de l'argent dans les poches des actionnaires? Dans le contexte de plainte pour fraudes et corruptions d'élus de Véolia Ouest et d'enquête judiciaire à Rennes et Saint Malo qui a conduit la municipalité de droite de Saint Malo à revenir en régie publique en début d'année, cette culture du secret, cette information parcimonieuse et tardive des élus, le refus de rendre public le conseil des conseillers municipaux de Saint Martin et Morlaix qui va débattre de la gestion de l'eau, cette absence d'organisation de réunions publiques avec les citoyens-usagers qui devront subir pendant 8 ou 10 ans les conséquences de la décision prise dans 15 jours pour la qualité de l'eau et leur pouvoir d'achat, ne peuvent qu'apparaître suspects et laisser à penser que certains, ayant déjà fait leurs choix, considèrent les procédures normales de débat démocratique et d'information objective des élus et des citoyens comme des dangers qu'il faut vider de leur substance?

Rappelons que le prix de l'eau à Morlaix, de 4,74 EUR au m3, est de 50% plus elevé que le prix de l'eau à Lannion, de 3, 07 EUR le m3, qui est depuis très longtemps en régie municipale. Cela prouve que quand la collectivité investit sur le long terme pour avoir des réseaux performants garantissant la qualité de l'eau et le minimum de fuites, cela se traduit sur le long terme par un coût de l'eau d'autant moins élevé qu'il n'est soumis à aucune exigence de profitabilité pour les actionnaires. Ainsi, même si les municipalités de Rennes et de Quimper ont pu prolonger leur délégation de service public avec Véolia en faisant croire que ses propositions étaient beaucoup moins coûteuses pour la collectivité que l'hypothèse du retour en régie publique, cette invocation du réalisme économique contre le parti-pris idéologique ne tient pas quand on fait les calculs sur le long terme, et quand on observe qu'en moyenne, le coût de l'eau gérée par le public est moins important que l'eau gérée par le privé.

 

Mise à l'eau Veoleur 8/03/2011Il faut donc ne pas oublier de voter le samedi 12 mars devant la mairie et place du Dossen à Morlaix et le dimanche 13 à Saint Martin des Champs (devant la mairie, sur le marché) pour participer à la votation citoyenne sur le choix de délégation de service public ou de gestion publique de l'eau afin de manifester la forte mobilisation des habitants du pays de Morlaix pour se réapproprier l'eau, leur bien commun, afin de le gérer selon des logiques d'intérêt général !

Ismaël Dupont

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8 mars 2011 2 08 /03 /mars /2011 16:46

Quelques interrogations après le débat proposé par Mme La députée de Morlaix: Dépendance 5ème risque, Attention danger

 

Le débat sur l'aide à l'autonomie est lancé.

Mais à quoi servirait l'APA (Allocation Personnalisée Autonomie) seule? Gagner partout et pour tous le droit au bien vieillir nécessite certes des moyens financiers, mais aussi un service de maintien à domicile à la hauteur, des structures d'accueil en nombre et de qualité.

 

Mme Lebranchu nous a proposé un débat citoyen avec un succès de présence mais sans nous convaincre vraiment de sa volonté réelle de construire un droit universel alimenté par la seule Solidarité Nationale.

 

L'Etat porte, certes, une lourde responsabilité dans la situation actuelle du département. Il n'assume pas ses devoirs de solidarité envers les vieux. Pour autant, doit-on rester l'arme au pied ou proposer, comme le fait le conseil général, un seul objectif bassement financier: amputer gravement les plans d'aide?

 

Ce constat d'une évolution négative nous amène donc à réitérer nos multiples interrogations demeurées sans réponse.

  • De passage à Plouigneau, Mr Pierre Maille, président du conseil général, déclarait: sur le Finistère, il manque 2000 places d'accueil. Quelles décisions ont été prises depuis dans l'urgence pour améliorer l'état de la liste d'attente? Un article du Télégramme daté d'août 2009 indiquait qu'il y a 80000 finistériens de plus de 75 ans (9% de la population) et 219000 finistériens de plus de 60 ans. D'ici 20 ans, l'INSEE prévoit qu'en raison de l'allongement de la durée de vie, de la forte attractivité du territoire pour les personnes âgées venues d'autres départements séduites par un retour dans leur région d'origine, la beauté de la région et la modicité des loyers et des prix des maisons, la population de plus de 60 ans devrait augmenter de 40% là où les effectifs des autres tranches d'âge stagneront ou baisseront. Il y a quelque chose à faire pour augmenter la capacité d'accueil de ces personnes âgées, qui n'est que de 12500 places en maison de retraite actuellement, et surtout pour privilégier des investissements dans des maisons de retraite publiques ou associatives au coût accessible pour les familles. Or, l'UMP considère que vieillir est avant une charge pour les dépenses publiques, rabaisse le grand âge à une facture de 6 milliards d'euros, et s'apprête à échanger la question de santé publique de la dépendance devant être assumée par la solidarité nationale et la sécurité sociale par l'appel forcé à la souscription individuelle à des assurances privées pour la perte d'autonomie après 50 ans et par la solidarité familiale, avec le remboursement des héritiers pour les frais d'hospitalisation ou d'hébergement des vieux défunts. Ce retrait de la protection sociale universelle, solidaire et redistributive programmé dans la réforme de la Sécu et la création du 5ème Risque voulus par Sarkozy et le MEDEF, c'est le retour du: "chacun verra ses besoins satisfaits en fonction de ses moyens".       
  • De passage à Lanmeur, le préfet déclare "la réduction conséquente des dépenses publiques va nous imposer des mesures douloureuses pour les personnes âgées et leur famille". En réduisant les plans d'aides, le département n'a t-il pas anticipé cette affirmation? Quel appel à la mobilisation des usagers, des familles, des populations?
  • Une majorité de départements a voté des budgets en déficit pour montrer leur incapacité à faire face dans un contexte d'assèchement des dotations de l'Etat et de réforme fiscale libérale à des besoins sociaux incompréssibles. Quel a été l'engagement du Finistère? Résistance ou consentement à l'hyper-austérité et au moins disant-social sur le dos des personnes âgées?

La nomination d'un "référent structure" est annoncée. Cette nomination rendue nécessaire par les situations imposées aux personnels prenant en charge les personnes âgées: stress, congés maladie, manque de considération. Cela pose question.  

Ce constat s'accorde mal avec les besoins de reconnaissance, de formation, et de personnel suffisamment nombreux d'un métier très particulier nécessitant des qualités humaines exceptionnelles, celui d'aidant à domicile ou d'employé des maisons de retraite.

Une organisation syndicale dénonce par voix de presse la généralisation de la maltraitance institutionnelle: manque de personnel, de formation, de moyens. Une organisation syndicale lance par voix de presse un appel au secours: "ensemble, osons briser les silences: ça ne peut plus durer ainsi..."  

L'ADMR est dans la tourmente et ça dure depuis quelques mois... Par voix de presse, une aide-soignante alerte sur la détresse prévalant tant chez lezs personnels que chez les usagers.

 

Ces constats alarmants nous amènent à rappeler que l'APA est un maillon essentiel des devoirs de civilisation que l'on doit à la personne. S'occuper des vieux, c'est s'occuper du futur de chacun. C'est ce que voulait exprimer Simone de Beauvoir lorsqu'elle disait: on reconnait le degré de civilisation d'une société à la place qu'elle accorde à ses personnes âgées. 

Pour appuyer notre démarche d'humanité:  

- Nous lançons un appel aux personnels de la santé, du maintien à domicile et de la prise en charge de la dépendance: témoignez de vos conditions de travail et de la qualité de vie qu'elles génèrent pour les usagers.

- Nous lançons un appel aux usagers, aux familles, pour dire stop à des situations inacceptables, pour gagner partout le droit de bien vieillir.

 

Répondez à l'appel de Stephane Hessel, "Indignez vous!", et témoignez sur le blog du PCF Morlaix - le chiffon rouge, afin de libérer la parole et d'alerter les élus.

 

Jean Dréan 

 

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7 mars 2011 1 07 /03 /mars /2011 16:28

 

Le processus de paix israélo-palestinien dans l'impasse.

 

Un million et demi de Gazaouis qui vivent de manière misérable dans une prison à ciel ouvert surpeuplée depuis 2006, dans l'indifférence apparente de la vieille garde du Fatah contrôlant l'Autorité Palestinienne de Cisjordanie, qui fait tout pour conserver son pouvoir contesté par ses preuves d'impuissance et ses soupçons de corruption et pour fragiliser le Hamas, maître de Gaza. Israël qui continue sa politique d'isolement et de morcellement des zones palestiniennes de Cisjordanie tout en annexant par la politique du fait accompli de ses bulldozers escortés par des militaires armés jusqu'aux dents des pans entiers de Jérusalem-Est et des territoires occupés afin d'étendre ses colonies et de les sécuriser, fût-ce en détruisant des maisons palestiniennes et des champs d'oliviers et en expropriant leurs propriétaires. Un processus de paix moribond depuis les échecs du sommet de camp David et le déclenchement de la seconde Intifada suite à la visite par Ariel Sharon de l'esplanade des Mosquées. Un processus de paix qui n'est réactivé artificiellement par les américains avec la complicité du Fatah, que pour donner le change, calmer les belles âmes avides de justice en Occident et faire patienter les palestiniens exaspérés...

 

C'en est trop pour Ziyad Clot, cet avocat français d'origine palestinienne par sa mère qui raconte ses quelques mois d'expérience en tant que négociateur de l'OLP dans les négociations de paix engagées avec les israéliens à la fin du deuxième mandat de Bush, dans un essai amer mais vivant et instructif publié en 2010 aux éditions Max Milo, Il n'y aura pas d'Etat palestinien.

Le titre de l'essai peut apparaître comme une abdication ou le signe d'un défaitisme dangereux pour les droits spoliés des palestiniens. Il est en réalité la présentation provocatrice et brutale d'une thèse fondée sur une perception pragmatique de la situation au Proche-Orient et qui l'amène à penser que les intérêts concrets et immédiats des palestiniens de Gaza, de Cisjordanie, et d'Israël, comme des réfugiés, seront mieux défendus dans le cadre de la revendication d'une place dans un Israël ou une Palestine multi-ethnique.

 

Cachez cette collaboration de l'autorité palestinienne à l'occupation que je ne saurais voir...

 

Rappelons un peu le contexte et l'enchaînement des événements avec les éléments d'information que rappelle Ziyad Clot. Suite à la victoire du parti de résistance islamiste Hamas aux élections législatives du 25 janvier 2006, Mahmoud Abbas tente dans un premier temps de faciliter la mise en place d'un gouvernement d'union nationale. Mais Washington et Condoleeza Rice qui se rend à Ramallah pour rencontrer le président palestinien exigent qu'Abou Mazen (le nom arabe de Mahmoud Abbas) dissolve le gouvernement du nouveau premier ministre Ismaïl Haniyeh, et le président de l'autorité palestinienne s'exécute. On voit bien que la promotion du respect de la démocratie dans les pays arabes et plus largement du sud dépend très largement des intérêts stratégiques des américains et de leurs alliés... Le Hamas n'est pas le parti laïc, tolérant, hostile à toute forme d'antisémitisme et la solution de la provocation stérile d'un terrorisme inefficace politiquement que l'on aimerait voir triompher chez les Palestiniens, mais il aurait fallu lui laisser sa victoire électorale et le combattre politiquement sans punir toute la population israélienne par l'embargo sur Gaza et une séparation du peuple palestinien évitable.

Face à la violente réaction du Hamas devant son éviction illégitime, les Etats-Unis garantissent que le Fatah sera soutenu matériellement et politiquement, que ses forces de sécurité seront renforcées. L'Egypte, la Jordanie, l'Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis contribuent au financement, à la formation et au développement des forces armées du Fatah.

Le 1er février 2007, les forces de Dahlan, chef de la sécurité du Fatah, prennent d'assaut l'université islamique de Gaza. Le Hamas répond par des attaques sur les postes de police du Fatah. L'Arabie Saoudite, en promettant de financer les salaires de l'Autorité palestinienne, amène les frères ennemis à trouver un accord et à s'engager à former un gouvernement d'union nationale mais les Etats-Unis de Bush font tout pour complaire au gouvernement israélien et faire échouer le projet de manière à continuer à isoler le Hamas. Comme l'Egypte et la Jordanie continuent à former et à armer les forces de sécurité palestiniennes, le Hamas se sent de plus en plus menacé à Gaza et engage en juin 2007 une série d'attaques contre les forces du Fatah. Le 15 juin 2007, les forces de sécurité du Fatah sont délogées de la bande de Gaza.

Entre cette date et la brutale offensive israélienne de trois semaines « Plomb durci sur Gaza » entre le 27 décembre 2008 et le 18 janvier 2009 qui a fait 1400 morts côté palestinien, 50 blessés côté israélien, avec laquelle s'achève le récit de Ziyad Clot, le Hamas tente tant bien que mal de faire survivre la population de Gaza victime d'un embargo international voulu par les israéliens et les américains et accepté par l'Europe et l'Egypte, tout en purgeant violemment la société des partisans laïcs du Fatah et en envoyant quelques rockets sur la ville de Sdérot.

Pendant ce temps, Bush et Condoleeza Rice, enlisés en Afghanistan et en Irak, suscitant la détestation des peuples arabes dégoûtés par leurs politiques impérialistes et inéquitables, veulent faire croire en une résolution ferme d'avancer vers une paix négociée et une solution à deux Etats reconnaissant les droits respectifs des israéliens et des palestiniens sur la terre palestinienne sans menacer la survie, la puissance et le caractère de foyer juif d'Israël.

Les caciques de l'Autorité Palestinienne s'engagent dans les négociations avec beaucoup de scepticisme, ne se faisant guère d'illusion sur la volonté et la capacité du gouvernement Olmert succédant à celui de Sharon tombé dans le coma de faire des compromis à l'approche des législatives, mais forcés de faire comme s'ils avaient un interlocuteur de bonne foi prêt au compromis car il ne peuvent se maintenir au pouvoir malgré le mécontentement grandissant de la population des territoires occupées qu'avec l'appui des américains. « J'ai maintenant compris, écrit Ziyad Clot à l'issue de son expérience de négociateur, que l'Autorité Palestinienne, au fil des années, est devenue une autorité d'occupation. Elle est réduite à faire le sale boulot en Cisjordanie en lieu et place des Israéliens, avec le soutien des Américains et de l'Union Européenne ».

« Le processus de paix, ajoute l'auteur, est un spectacle, une farce, qui se joue au détriment de la réconciliation palestinienne, au prix du sang versé sur Gaza » (p.104)... Pendant que les Israéliens avec la complicité de la communauté internationale affament et privent de tout les gazaouis, que les israéliens obligent les négociateurs palestiniens à faire des compromis sur le droit au retour des réfugiés palestiniens tout en continuant à charcuter les territoires palestiniens de Cisjordanie et à mener une politique de nettoyage ethnique pour construire le tramway de Jérusalem, protéger les colonies et les multiplier sur les zones les plus favorables à l'installation, le Fatah endort son peuple de promesses de souveraineté et de dignité retrouvée tout en le décourageant de se révolter violemment.

Ziyad Clot était tout particulièrement chargé de la question du retour et de l'indemnisation des descendants de réfugiés palestiniens expulsés entre 1947 et 1949 (comme son propre grand-père maternel) et en 1967. Les 7 millions de réfugiés, chrétiens et musulmans, installés au Liban, en Jordanie, en Syrie, en Europe ou en Amérique, constituent aujourd'hui 70% des palestiniens, pour la plupart vivant à moins de 100km de la frontière palestinienne. Beaucoup, particulièrement en Jordanie et au Liban, sont considérés comme des citoyens de seconde zone victimes de discrimination depuis des décennies, vivant dans la misère et la frustration, et considérés comme potentiellement dangereux par des régimes d'états arabes qui composent avec Israël, qu'ils craignent.

Pour Ziyad Clot, si l'on veut prendre réellement en compte l'intérêt des réfugiés palestinens, qui est de pouvoir retourner chez eux s'ils le souhaitent ou d'être indemnisés pour que l'injustice de l'expropriation et de l'exil forcé qu'ils ont subi soit reconnue, comme l'intérêt des populations des territoires occupées ou des territoires placés sous administration palestinienne, victimes d'un véritable apartheid, il faut renoncer à cette chimère d'une solution à deux États. En effet, les israéliens ne laisseront jamais un État pleinement souverain et disposant d'un territoire suffisamment cohérent pour accueillir les réfugiés et vivre en dehors du goutte à goutte de la communauté internationale et de son aide humanitaire se constituer.

 

Est-il souhaitable et envisageable de renoncer à l'objectif de la paix dans la séparation en deux États?

 

Depuis les accords d'Oslo, Israël fait croire au monde arabe, à la communauté internationale et aux dirigeants du mouvement de résistance palestinienne qu'il est prêt à accepter la formation d'un Etat palestinien souverain, à condition que les États voisins fassent la paix avec l'État hébreu, qu'ils reconnaissent ses frontières, et que les forces organisées palestiniennes lui assurent sa sécurité. Pendant ce temps, la réalité sur le terrain s'aggrave: les discriminations dont sont l'objet les arabes israéliens se renforcent, la colonisation progresse en ne laissant à la population palestinienne que des lambeaux de territoires discontinus séparés par des centaines de barrages militaires qui asphyxient la vie économique palestinienne, et le regain des injustices et de la misère nourrissent un désarroi chez les palestiniens qui renforce les conflits internes et l'extrémisme.

Dès lors, pourquoi ne pas prendre acte du fait qu'Israël ne laissera jamais un État palestinien viable se former à ses côtés et ne fait qu'agiter cette promesse pour gagner du temps et poursuivre sans craindre de trop les foudres des américains et de la communauté internationale une politique d'expropriation et de marginalisation brutale des populations palestiniennes?

S'il existe de bonnes raisons de s'accorder avec ce constat, on peut se demander si la solution d'un Etat israélien pluri-culturel au pouvoir décentralisé et confiant une large autonomie aux communautés locales palestiniennes que semble préconiser Ziyad Clot est plus satisfaisante et plus réalisable. En effet, elle exigerait, comme le préconisait jadis la gauche israélienne universaliste et communiste, que les israéliens renoncent à leur programme sioniste de définition ethnico-religieuse de la citoyenneté israélienne et du droit à vivre dans l'État israélien et qu'ils acceptent le principe du droit au retour des réfugiés palestiniens. Comment, dans un contexte de droitisation et de la société israélienne et au vu des forts moyens de pression des petits partis religieux et d'extrême droite sioniste dans une Knesset élue à la proportionnelle, des partis de gauche, qui sont de surcroît également parfois sujets à l'angoisse concernant la forte natalité arabe et le risque d'un déséquilibre démographique altérant le caractère juif de l'Etat d'Israël, accepteraient une telle solution d'un Etat pour tous avec des citoyens égaux, reconnus dans leur droit à la différence?

L'alternative à la solution des deux Etats préconisée par Ziyad Clot, dans le sillage du professeur de philosophie et président de l'université Al Qods de Jérusalem, n'est-elle donc tout aussi irréalisable? Est-elle même souhaitable si l'on songe au risque de violences internes né de l'histoire conflictuelle des juifs israéliens et des palestiniens, de la nécessaire limitation de l'immigration juive en Israël qu'implique le droit au retour des palestiniens et des inégalités sociales qui séparent actuellement juifs et palestiniens chrétiens ou musulmans?

Il n'empêche que la question mérite d'être posée, étant donné le rôle de leurre et d'écran de fumée que peut jouer l'espoir de création d'un État palestinien dans une situation où, en réalité, depuis l'assassinat d'Isaac Rabin, les gouvernements sionistes israéliens ne visent qu'à créer des situations irréversibles pour des politiques d'appropriation du territoire unilatérales afin de servir les clientèles électorales des colonies et le rêve mortifère d'Eretz Israël, un foyer de peuplement juif dans les frontières de l'installation hébreu antique.

 

Ismaël Dupont.

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